jeudi 23 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 23 septembre 2021

23/09/2021

Sur la route du travail, je saute au petit bonheur la chance de radio en radio. On parle de Zemmour sur RMC. France Inter ricane au sujet de Zemmour. Guy Carlier, dont j'avais oublié l'existence, se rappelle à mon souvenir en consacrant sa chronique d'Europe 1 à Zemmour. Les Grosses Têtes de RTL ? Zemmour, encore Zemmour, toujours Zemmour. J'ai beau titiller le sélecteur pour faire entendre des fréquences confidentielles au nom improbable, l'homme est dans tous les studios. Je me réfugie sur Rires et Chansons : mauvaise pioche, une équipe de comiques indigents profère quelques bons mots sur le candidat à la candidature. S'il y avait un doute sur l'omniprésence du chroniqueur dans les médias français, une petite ballade à travers les ondes permettrait de le faire tomber.

Par-dessus le marché, Paris Match profite de la vague, et la transforme en tsunami, en publiant en couverture une photo de paparazzi où l'on distingue Zemmour patauger en compagnie d'une dame non identifiée (et non identifiable, si j'en crois les commentaires), tout en laissant penser que le journaliste entretiendrait une liaison extra-conjugale. Commentaires indignés (l'intéressé annonce porter plainte) ou revanchards (on vous l'avait bien dit, que c'était un prédateur de la pire espèce). Zemmour victime ? Ou coup monté, disent certains, étant donné que Vincent Bolloré, l'un des propriétaires de la revue, a tout fait pour promouvoir Zemmour à travers Cnews ? Je n'ai aucun avis, mais je me souviens que du temps de Sarkozy ses promoteurs inventoriaient les "UBM", "Unités de Bruit Médiatique", pour mesurer le taux de présence de leur poulain dans la presse. Les scores étaient alors pharamineux. M'est avis qu'on ne doit pas être très loin aujourd'hui avec Zemmour - et peut-être même au-dessus, étant donné l'importance que les réseaux sociaux ont acquis en 2021.

Un œil sur EricZemmourOfficiel indique 185.000 abonnés : 44.000 de plus qu'il y a une semaine. Bigre !

Article précédent Article suivant

mercredi 22 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 22 septembre 2021

22/09/2021

Zemmour est-il conscient qu'il se fait le promoteur, que dis-je ! l’infatigable défenseur d'une des plus anciennes et redoutables pensées "woke" qui soit ? Ou, plutôt, d'une croyance récupérée par cette mouvance et qui depuis s'est installée dans l'esprit de la plupart des gens - y compris du sien. Conviction, il est vrai, soutenue avec force par l'immense préjugé antiaméricain, dont Z est l'un des hérauts les plus emblématiques, un cas d'école à lui tout seul, pourrait-on dire.

Dans son livre, il évoque en passant le génocide dont les Indiens d'Amérique auraient été victimes, perpétré évidemment par le peuple des États-Unis. Je n'aurai pas la cruauté de répéter ici les mots dont Zemmour qualifie le cinéma d'Hollywood, coupable de semer dans la tête des petits Français une histoire tordue selon laquelle les Américains nous auraient aidé à gagner la Première Guerre mondiale, en attendant la seconde. On sait que pour Zemmour le mérite de la victoire revient presque exclusivement aux soldats français puis russes (à l'instar de de Gaulle, il n'emploie pas le mot "soviétiques", ce qui en dit long sur son approche historique. Mais passons). Je note simplement qu'il dénonce cette propagande lorsqu'elle ne sert pas ses petites manies idéologiques, mais lui fait bon accueil lorsqu'elle entérine une de ses illusions.

Le sort tragique des Amérindiens mérite d'être mieux connu. La plupart de ces peuples avaient déjà disparu au XVIIe siècle : massacres, exterminations et maladies ont laissé des monceaux de cadavres. L'homme blanc n'a pas toujours pris part à ce carnage : je me souviens de l'effarement qui fut le mien quand je pris connaissance, jadis, des faits d'armes de la guerre civile qui embrasa l'empire Inca, avant que Pizarre ne fasse garrotter Atahualpa. Plus au nord, les Mayas avaient apparemment mené leur empire à la ruine à force de détruire par le feu la forêt tropicale. La pensée humaniste nous engage à penser ces habitants du Nouveau Monde comme des hommes, avec leurs qualités et leurs travers, et non comme des sauvages, et certainement pas des "bons sauvages". Quand se forme l'idée d'une nation américaine indépendante, détachée des empires européens, le temps des guerres indiennes touche à sa fin : les tribus avaient auparavant été embrigadées par l'Anglais ou le Français qui avaient fait du nouveau continent leur terrain d'affrontement. Quel que soit le jugement moral que l'on porte sur cette partie de l'histoire, la vérité s'impose que l'accusation commode de "l'Américain génocidaire des Indiens" est une invention - un énorme fardeau dont on charge l'homme blanc, dans la plus pure tradition indigéniste-woke qui empoisonne les discussions de notre temps. Il est paradoxal que Zemmour, aveuglé par sa passion antiaméricaine, en soit l'un des plus fervents promoteurs.

mardi 21 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 21 septembre 2021

21/09/2021

Je me souviens très nettement, quand a été annoncé au creux de l'été que Mathieu Bock-Côté rejoignait Cnews, avoir tout de suite pensé : "Zemmour sera candidat". L'arrivée du sociologue québécois était appelée, à mon sens, à combler le vide que Z laisserait pour s'engager dans sa campagne. Brillante recrue, en vérité. Le verbe jaculatoire de M. Bock-Côté lui permet d'asséner des vérités bien senties avec un allant rabelaisien. Un seul bon mot de sa part est capable de faire s'effondrer de rire tout le plateau de Face à l'Info et, sans aucun doute, une bonne partie des spectateurs. Pas sûr que le spectacle, et l’intelligence, aient beaucoup perdu avec le départ de Zemmour - je me demande si ce n'est pas l'inverse. Le nouveau-venu possède, en tout cas, une immense qualité qui tranche avec l'une des plus agaçantes lubies zemmouriennes : il ne cache pas une certaine défiance envers la Russie de Poutine.

Article précédent Article suivant

lundi 20 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 20 septembre 2021

 20/09/2021

Je suis sorti hier éreinté de la lecture du livre de Zemmour. Sur les genoux, knock-out. Le fossé est immense entre l'image du chroniqueur à la télé, un type avec qui on s'imagine plaisamment discuter, en dépit des désaccords qui nous séparent, et son discours écrit, constellé de petites phrases que je trouve embarrassantes et par endroits effroyables. J'ai pris un grand nombre de notes et le courage me manque pour construire à partir d'elles un commentaire cohérent. La seule idée de me replonger dans ce qui m'a rebuté me renverse, m'assomme et me laisse pantelant sur le carreau. Il faudra bien que je m'y mette, pourtant, sans quoi cette chronique n'aurait guère de sens. Mais pas aujourd'hui  : l'abattement et la paresse ont pour l'heure pris le dessus. Un facteur aggravant, comme je m'en ouvrais hier, est que les passages que j'ai annotés d'une croix rouge ne sont pas ceux qui font s'indigner le reste des lecteurs critiques. Je devrai me garder sur deux fronts car, en expliquant pourquoi selon moi Z a tort, il me faudra à mon tour heurter tous ceux pour qui, justement sur ce sujet-là, trouvent qu'il n'y a rien à redire. Symétriquement, les anti-Zemmour ne manqueront pas de me classer parmi les affreux mal-pensants quand je dirai que je partage ses craintes pour l'avenir de la France. Me voilà condamné à la solitude, au bannissement, de quelque côté que je me tourne.

Je suis heureusement sauvé par le fait que personne connaisse ce blog, perdu dans les tréfonds du web et superbement ignoré des moteurs de recherche, mais on n'est jamais à l'abri d'un lecteur éventuel, amené ici par d'improbables sentiers qui bifurquent.

Zemmour, lui, resplendit, il file grand train, est reçu avec honneurs à Toulon, en attendant de nouveaux triomphes à Versailles et Paris, si l'on en croit croiseedeschemins-ez.fr. Ses idées n'en finissent pas d'être discutées, en bien, en mal, et son nom s'impose au débat de la pré-campagne.  L'idée du Grand Remplacement, soudain mis en lumière, est discutée, débattue, "débunkée" par des zététiciens. Je ne pense pas que ces débats (un bien grand mot, mais passons) auraient pu avoir lieu si Z ne s'était pas ouvertement emparé du thème sulfureux.

Pas terrible, la croissance du public de ericzemmourofficiel : seulement 3000 abonnés de plus qu'hier. Bon, vous me direz, c'est 3.000 de plus que le présent site, et je ne pourrai vous donner tort. 

Article précédent    Article suivant

dimanche 19 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 19 septembre 2021

19/09/2021

Je ne suis pas un bon client pour Zemmour. Son livre relate des rencontres avec des hommes dont la plupart m'indiffèrent tout à fait. Je n'adhère en rien à son éloge, renouvelé hélas, de Georges Marchais, ni à son obsession antiaméricaine, ni à sa détestation du libéralisme, ou du fourre-tout qu'il nomme libéralisme. Je crains d'être bien seul : en France, le libéralisme est détesté par tous les bords politiques, les États-Unis réunissent contre eux les ténors de gauche, du centre et de la droite, et M. Marchais a acquis post-mortem l'image rigolote d'un amuseur trop tôt disparu. En ce qui touche à ces trois points - pourtant au cœur de son système de pensée, et qui discréditent à mes yeux la logique de son engagement - tout le monde sera d'accord avec Zemmour, ce qui est une effroyable nouvelle pour la qualité du débat public en France.

Je retrouve, sans grande surprise, l'impression qui fut la mienne au sortir de Suicide Français : Zemmour clame haut et fort l'existence d'une menace islamiste qu'accompagne un important flux migratoire, chose tue ou niée par la classe politique standard. Quand bien même il aurait tort partout ailleurs, ce courage lui vaut l'attention de tous ceux que la perspective d'affrontements ou d'une soumission à la Houellebecq terrifie. Je considère ce panorama froidement, sans aucun enthousiasme pour une pensée qui par ailleurs m'apparaît singulièrement équivoque ou lacunaire.

160.000 abonnés pour la chaîne Youtube EricZemmourOfficiel, où une nouvelle vidéo, celle d'une "rencontre littéraire" (guillemets de rigueur) à Toulon a été publiée.

samedi 18 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 18 septembre 2021

18/09/2021

Le geste de l'humoriste de France Inter ne passe pas. Je lis beaucoup de réactions qui vont le même sens : "quoi, avec nos impôts ?" Je ne sais pas ce que fera la direction de la radio nationale, mais de l'avis général aucune sanction ne sera prise. On verra bien. Quoi qu'il en soit, cet incident ridicule mais révélateur (si Zemmour est Hitler, pourquoi donc vouloir discuter avec lui ?) risque de conforter le journaliste dans son rôle de victime du système.

Je continue la lecture de "La France n'a pas dit son dernier mot", en prenant des notes pour en faire une critique. Le livre est parfois ennuyeux, parfois intéressant, bref, inégal. Les petites manies du chroniqueur sont souverainement agaçantes - le plus horripilant, je pense, est de trouver chez cet esprit éclairé tant d'erreurs idiotes qui discréditent son discours, et qui démontrent, une fois de plus, son obstination à s'enfermer dans un carcan intellectuel. Pas grand-chose, sinon rien, n'a changé depuis Le suicide français, avec ses lumières et ses ténèbres. Je suppose que le constat sera le même qu'il y a sept ans : des raisonnements hasardeux, mais des conclusions pertinentes. Sur la forme, de nouvelles fautes de frappe (Jean-Michel Aphatie devient "Apathie"), et quelques tournures discutables que je présenterai ici quand le temps m'en sera donné.

Nombre d'abonnés à  EricZemmourOfficiel : 156 k. En progression, mais de façon moins flagrante que les jours précédents.

vendredi 17 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 17 septembre 2021

17/09/2021

On aimerait que les pourfendeurs de haine, prompts à débusquer l'odieux sentiment dans les non-dits de leurs proies, se penchent de temps à autre sur les manifestations haineuses avérées, enregistrées et amplement diffusées par leurs auteurs, ou avec leur accord. Une violente invective de Christiane Taubira sur France Inter s'achève avec une attaque : "Après Zemmour il y en aura d'autres, parce que les individus comme ça, qui sont dans un confort, matériel, social, un confort moral, entre guillemets, parce que personne ne conteste leur haine, personne ne les marginalise, personne ne les stigmatise dans l'incapacité qu'ils ont d'accepter la société et la présence des autres." On ne sait pas sur quelle planète Mme Taubira a vécu depuis quinze ans pour qu'elle puisse proférer ainsi que "personne" ne conteste "la haine" de Zemmour. Un simple regard sur les interviews du chroniqueur et sur les commentaires qui en sont faits démontre au contraire que cette contestation est au cœur de la praxis dominante, et que serait tricard, dans neuf chaînes sur dix, celui qui ne verserait pas dans ce juste combat. L'ex-ministre regrette ensuite que personne ne "stigmatise" Zemmour. Tiens, tiens. On pensait que ce verbe, "stigmatiser", servait à pointer l'attitude d'affreux qui, par exemple, oseraient émettre des réserves sur l'amour que certains "jeunes" portent à la France. Mais dans l'autre sens, non, ça va, stigmatiser, c'est bien, et même fort souhaitable. La "société et la présence des autres", enfin, est une conclusion fort floue : qui sont les autres pour Mme Taubira ? Tous les "autres" sont-ils "acceptables" ? Mme Taubira accepterait-elle sans rechigner la présence de foules prêtes à voter Zemmour ?

Moins spectaculaire, mais non moins violente, la vidéo de Charline Vanhoenaker, expliquant sa recette pour neutraliser les affiches de Zemmour : ajouter les lettres "OB" après la lettre Z et dessiner une petite moustache sous le nez du candidat-pas-candidat. C'est stupide ? Oui. Drôle ? Pas du tout. Le fait que cette jeune femme soit employée du service public (France Inter encore !) laisse perplexe (mais à vrai dire je ne saurais dire si son geste entre dans le cadre de son emploi d'humoriste, ou bien s'il s'agit d'une sorte de devoir bénévole n'engageant qu'elle). L'équité voudrait qu'elle en fasse de même avec les autres candidats annoncés ou probables, ce qui ne serait que justice en regard de la quantité de postulants à gauche de la gauche. Personne, on l'espère, n'aura oublié le pacte germano-soviétique qu'avaient signé leurs ancêtres idéologiques, ce qui donnerait une salutaire logique à la présence de la petite moustache.

J'allais oublier le décompte des abonnés à la chaîne officielle ericzemmourofficiel : 150 k. 9.000 de plus qu'hier soir : de ce côté-là, le succès semble assuré.

jeudi 16 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 16 septembre 2021

16/09/2021

16 septembre : une date importante dans la saga zemmourienne. Aujourd'hui paraît officiellement son dernier opus, déjà descendu en flamme par les pourfendeurs de l'esprit nauséabond, faisant tout pour épargner au lecteur lambda l'éventualité de poser les yeux sur un texte porteur des plus viles pensées jamais sorties d'une tête dérangée et, en même temps, anodin et même affligeant par la description qu'on y lirait de déjeuners dans des restaurants parisiens.

J'ai parcouru quelques pages de "La France n'a pas dit son dernier mot". Zemmour écrit bien, même si, en effet, ce n'est pas Victor Hugo, comme le disait Léa Salamé (pique bien inutile : qui pourrait aujourd'hui écrire comme Victor Hugo ?) Ce n'est pas non plus à la hauteur de Renaud Camus, cet autre pestiféré, et pourtant très grand écrivain (je ne sais pas s'il faut dire "pourtant" : le style de Renaud Camus, avec ses références fréquentes et délicieuses à celui de Proust, est indissociable de son combat intellectuel. On peut déplorer ce dernier tout en reconnaissant la valeur de la plume).

Non, là où le style pêche, à mon avis, dans ces trente premières pages, c'est par la faute de mots déplacés, ou plutôt, relevant de tics journalistiques : "politiciens" au lieu "d'hommes politiques" (mon prof d'anglais, jadis, morigénait ceux qui traduisaient "politician" par "politicien") ; le quart d'heure de gloire "warholien" qui est mentionné deux fois déjà ; l'expression selon laquelle l'auteur "ne lâche rien" renvoie à des mots d'ordre de manifs ou à des doléances de collégiens, cela m'étonnerait qu'elle relève d'un français correct, mais peut-être me trompè-je. Je suis sûr en revanche qu'elle sonne désagréablement et étonne de la part d'un lecteur de Chateaubriand. Enfin, je note que Zemmour continue à utiliser l'adjectif "grand" devant le nom des personnalités qu'il apprécie et dont il entend promouvoir la pensée. Quand on lit sous sa plume "Ainsi que le disait le grand historien Martuche", on peut être sûr que suivra une citation de Martuche apportant une eau impétueuse au moulin de Zemmour.

Le fond, naturellement, méritera que je m'y attarde, mais avant cela je préfère avancer davantage dans le livre pour mieux en comprendre l'idée interne, les ressorts et les conclusions.

Un regard sur la chaîne officielle Youtube d'Eric Zemmour, pas encore suspendue, indique "141 k abonnés". 7000, à peu près, de plus qu'hier à la même heure. La progression continue, même si aucune nouvelle vidéo n'est apparue.

mercredi 15 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 15 septembre 2021

15/09/2021

Aucune accalmie dans les tempêtes zemmouriennes. On apprend hier que deux sondages placent celui qui sera peut-être candidat à hauteur de 10% d'intentions de vote. C'est énorme, et la preuve que les sujets soulevés par le journaliste rencontrent un réel écho. Après tout, mener la danse en imposant ses thèmes est un gage de succès. "Vous êtes obsédé", lui balançait ce matin un Jean-Jacques Bourdin plus inquisiteur que jamais. Z acquiesçait. Il y a obsession car il y a siège. Le grand remplacement est un phénomène de conquête. Quelqu'un doit se lever pour libérer les assiégés. Qui pour porter haut l'oriflamme ? Personne, selon Zemmour. Peut-être est-ce là son destin. Il s'interroge.

Aujourd'hui, ce sont des considérations sur la peine de mort qui ouvrent un nouveau front sur le champ de bataille. Quoi que l'on pense du fond, il faut reconnaître qu'il y a quelque chose dans l'opinion publique sur le sujet, comme je l'avais noté déjà il y a quelques années - j'en livrais il y a peu le souvenir ici.

Zemmour évincé des ondes, ou promis à l'être après l'essoufflement des affaires courantes, "lance" une chaîne Youtube. Une recherche me donne l'adresse www.youtube.com/c/ericzemmourofficiel. Je suppose que c'est la chaîne en question. Quatre vidéos pour l'instant, la promotion de son dernier livre, la réponse au CSA, le lancement de la chaîne et l'interview avec Jean-Jacques Bourdin. Pas de quoi remplacer une présence, quatre ou cinq fois par semaine, sur Cnews. L'habillage de cette chaîne laisse sceptique. Zemmour tout seul, en gros plan ou cadré à l'américaine, casse son image de débatteur passionné. Il n'est pas certain que ce traitement visuel soit à son avantage : un opposant qui voudrait rendre inquiétante la figure du chroniqueur ne s'y prendrait pas autrement.

"133 k abonnés", précise Youtube. Aucune idée de ce que cela signifie, en regard avec les comptes d'hommes politiques. Une comparaison avec la chaîne de Jean-Luc Mélenchon est largement à l'avantage de celui-ci (559 k). En revanche, c'est plus de deux fois le nombre associé à la chaîne de Marine Le Pen, que j'imaginais plus haut. À peine ai-je écrit ces quelques mots que le nombre d'abonnés à Zemmour est passé à 134 k. Diable ! Voici un indicateur qu'il faudra surveiller de près, comme les sondages.

Article précédent    Article suivant

mardi 14 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 14 septembre 2021

14/09/2021

L'éjection de Zemmour du débat public produit, comme on pouvait s'y attendre à court terme, un bruit médiatique inhabituel autour du journaliste. Hier matin, sur Cnews, Pascal Praud l'a reçu pendant deux heures. On n'avait plus souvenir d'un tel baroud d'honneur depuis la charge de Sedan racontée par Zola dans La débâcle. Échanges plus posés que samedi soir, ce qui n'est pas une surprise, mais avec des paroles dures - dures parce que sincères - quand Pascal Praud avance qu'il ne voit pas son invité en président. Question d'attitude, de charisme, de ce défaut d'étoffe dont les chefs sont faits. Bien sûr, Z répond de la seule façon possible, s'inscrit dans la vision d'un meneur tel que posé par De Gaulle, il n'empêche. P. Praud a touché juste.

En attendant le livre dont tout le monde parle, on apprend au passage que de nouveaux chapitres risquent d'exacerber des passions déjà à vif. Un paragraphe sur Papon fera à coup sûr les beaux jours des humoristes de France Inter (France Inter où, hier après-midi, une émission sur le bloc identitaire expliquait les liens de cette mouvance avec les zélateurs zemmouriens, certains nostalgiques du nazisme et Renaud Camus). Comme si l'affaire des prénoms ne suffisait pas ! Restons mesurés : je jugerai le livre sur ce qu'il dit, et non sur ce qu'en disent les commentateurs actuels, tant sont grands les aveuglements et glissantes les peaux de bananes.

(J'apprends incidemment que Marine Le Pen a mis le grappin sur "Libertés, libertés chéries", ce passage de la Marseillaise que j'évoquais ici au sujet de la campagne de Zemmour, et ici au sujet de l'enterrement de Belmondo. Comme personne ne lit ce blog, il s'agit évidemment d'un hasard, du reste l'idée n'a rien de bien original. En revanche, pour les meetings de Z, faudra songer à autre chose, comme entrée musicale).

lundi 13 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 13 septembre 2021

13/09/2021

Le jour d'après. La nouvelle est tombée que Cnews se pliait à la décision du CSA : Zemmour ne sera plus le chroniqueur vedette de Face à l'Info. "Je mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Eric Zemmour" : Youssoupha l'a rêvé, le CSA l'a fait.

Consternation parmi les soutiens, qui espéraient un geste rebelle de la chaîne. Cette minicrise a des airs de déjà-vu. C'est à peu près celle qu'ont subi les soutiens de Trump, quand leur champion s'est vu couper, un par un, tous ses moyens habituels d'expression, ce qui les excitait à croire dur comme fer que le président réussirait à surmonter les épreuves, ce qui les claquemurait dans un déni tenace. Les plus mordus l'envisagent toujours, d'ailleurs, prophétisant mois après mois une mise à pied de Biden, et se réfugiant dans on ne sait quelles nouvelles illusions quand le grand soir se refuse à éteindre les lumières démocrates.

La comparaison Trump-Zemmour est dans l'air. Plusieurs analystes l'ont décrite avec talent, et Marine Le Pen a elle-même averti que la France n'avait pas besoin d'un Trump. Un aventurier populaire, sans parti ni langue de bois, donnant aux grandes masses ce qu'elles veulent entendre (le populisme, que cela soit une qualité ou un défaut), refusant obstinément les codes de la bien-pensance, du woke et de la "gauche mondialiste", voilà qui réunit en effet les deux hommes. On s'avisera cependant que Z n'est pas un milliardaire, et que (même ceux qui ne l'aiment pas ne peuvent lui enlever cela) son vocabulaire et sa culture sont aux antipodes du spectacle offert par un Trump que l'on croirait sorti d'une caricature des Simpsons.

Article précédent Article suivant

dimanche 12 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 12 septembre 2021

12/11/2021

Cette nuit, Laurent Ruquier invitait Éric Zemmour dans son émission. L'attente était forte, pour plusieurs raisons. Ruquier a fait connaître Z au grand public, des années durant, en lui confiant un rôle de chroniqueur dans On n'est pas couché, avant de le regretter amèrement et de se poser en adversaire de ses idées politiques. On se doutait bien que ces deux-là avaient quelques comptes à régler. C'était aussi la première émission consécutive à l'arrêt du CSA. Et puis la présence de Léa Salamé, elle aussi ex-chroniqueuse à ONPC et engagée dans les causes progressistes (ou prétendues telles), apportait du piquant à l'affiche.

Les débats furent décevants. En dépit de son titre, "On est en direct", cette émission donne la curieuse impression, à certains moments, d'avoir été montée, et que certains échanges ont disparu. Impression sans doute fausse : si ç'avait été le cas, Zemmour n'aurait pas manqué de le signaler. Le malaise est ailleurs. Ruquier, avec ses interruptions, saillies et traits d'esprit, empêche tout développement de la pensée de son invité. On sait bien que le discours de celui-ci lui déplaît profondément, c'est entendu, et qu'il souhaite affirmer aux yeux de tous qu'il n'a rien voir avec la pensée de son ex-chroniqueur - et, sans doute, ses interventions sont-elles le fruit d'une réelle culpabilité de l'avoir laissé parler tant d'années dans son émission précédente. Je ne suis pas dupe, je ne suis pas complice, et le fais voir à tout instant, telles semblent être les obsessions de Ruquier, tant est forte sa crainte d'être considéré comme apostat par une certaine gauche. Montrer patte blanche, à tout propos et à tout instant, pour échapper à l'infâme soupçon d'être fiché Z.

Une déplaisante sourdine accompagne les échanges. La gué-guerre contre Cnews, à coup de batailles de chiffres et de piques soudaines : "à Cnews, il n'y a personne qui vous contredit. Ça vous fait du bien, un peu", plaisante Ruquier. Il ajoute plus tard, quand Z affirme qu'il ne se laissera pas presser par l'insistance de Léa Salamé : "Il rend l'antenne à Pascal Praud à 20h10, parfois, ça veut bien dire qu'il s'en fout" (Pascal Praud, que certains considèrent, dans un certain milieu, comme un autre symbole de ce "fascisme" dont Cnews porterait la voix. En prononçant son nom, Ruquier envoie mine de rien un signal éloquent à ses camarades de la bien-pensance).

Léa Salamé, précisément, a le sans-gêne de prendre plus d'une minute pour formuler péniblement une question, pour ensuite interrompre la réponse de Zemmour au bout de 30 secondes. Ce n'est d'ailleurs pas vraiment un questionnement : elle suppose à son interlocuteur des pensées extrémistes, les jette en rafales pour ensuite adjurer l'interviewé d'apporter prestement des réponses, se défendant, quand on lui fait remarquer que ce sont des accusations, qu'elle se contente de venir s'informer. C'est une technique plus proche de l'inquisition que du journalisme, et qu'elle est loin d'être la seule à appliquer.

Sur le fond, je retiens surtout l'éclaircissement de la position de Zemmour : c'est celle du RPR. Pas des Républicains, non, comme tente de rectifier Léa Salamé, celle du RPR d'avant. Et l'on se souvient d'une émission politique présentée par David Pujadas à la fin de laquelle il présentait à Alain Juppé le programme du RPR à l'aube des années 1990 : à la surprise générale, on y lisait des thèmes, comme celui de l'incompatibilité de l'islam avec la République française, qui avaient depuis été abandonnés au clan lepéniste, et dès lors marqués du sceau de l'infamie. Que Z reprenne ce flambeau n'est pas étonnant, et son électorat théorique, s'il est candidat, devrait mordre à la fois celui des Républicains (voire de LREM) et du Rassemblement National. Après tout, ce serait logique, s'il existe une "niche" au sens darwinien, qu'un homme politique s'employât à l'occuper.

Article précédent Article suivant

samedi 11 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 11 septembre 2021

11/09/2021

Samedi. Je suis un peu soulagé de ne pas entendre Zemmour en ce jour de commémoration, tant ses commentaires sur les États-Unis ont le don de m'horripiler, avec leurs poncifs qui reprennent et perpétuent toute la vieille rancœur française à l'encontre des Américains, telle qu'on pouvait la lire dans les œuvres de Pierre Loti ou d'André Suarès.

Je fais quelques recherches sur la décision du CSA. Pas mal de choses de la part de ce que l'on nomme "la fachosphère", et qui recouvre une panoplie de sources disparates et plus ou moins fréquentables, beaucoup moins du côté des "progressistes", si ce n'est une posture volontiers satisfaite, voire goguenarde. Voulant lire les dernières réactions de Zemmour, je cherche son site officiel. Je ne le trouve pas. Ce que j'ai trouvé "tourne autour" de Z mais ne semble pas porter directement sa voix :
Je n'ai aucun rapport, de près ou de loin, avec ces sites, et ne retire aucun avantage à les citer. Je ne le fais que pour donner une idée du panorama que renvoie du reste une recherche basique avec Google. Je n'ai pas fouillé davantage, sans doute en existe-t-il d'autres. La seule chose qui me lie aux personnes derrière ces adresses est l'intérêt pour Zemmour - à la différence notable que de mon côté je m'interroge sur l'homme, reconnais ses qualités tout en déplorant des prises de position que je trouve intolérables (comme on l'a lu plus haut, et je ne reviens pas ici, quoi que cela soit de la plus haute importance, sur la faiblesse manifeste de son érudition musicale, pour ce qui touche à l'héritage français).

Aucun autre moyen d'accès, par conséquent, à ses dernières pensées, que la télévision en direct. Les multiples comptes Twitter créés à son effigie, sans être tenus par lui, versent dans la promotion ou le rappel de ses "petites phrases bien senties". On se demande ce qu'ils deviendront quand ils seront réduits au silence - ce qui serait dans l'ordre des choses, si l'on se souvient de ce qu'il s'est déjà passé, avec l'exclusion des "déviants". On s'attend que Youtube prenne le même genre de décision. Je m'interroge : comment se fera entendre Zemmour si, comme demande le CSA, la télévision le lâche ?

vendredi 10 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 10 septembre 2021

10/09/2021

Vendredi. Pas de Face à l'info aujourd'hui. La décision du CSA fait grand bruit - enfin, surtout parmi les "identitaires", "patriotes" et autres soutiens traditionnels de Zemmour. Ailleurs, je n'ai pas vu grand-chose, sinon des décomptes de la présence télévisuelle de Z, afin de démontrer que son temps de parole excède de beaucoup celui dont bénéficierait un candidat lambda. Cela est certain. Mais Z n'est pas candidat à ce jour. Le CSA estime que la "zone grise" dans laquelle se complaît le possible candidat et orateur vedette justifie sa décision. Zemmour, lui, dit qu'il ne se taira pas, et semble soutenu par Cnews.

Une décision politique ? Sans doute. Mais elle ferait alors reconsidérer le consensus jusque-là établi, qui voulait que l'Élysée favorise Zemmour pour mieux diviser la droite. Quel serait l'intérêt de l'affaiblir ? Y a-t-il la moindre chance pour que ce candidat, sans parti ni appareil, se retrouve au second tour ? La sentence du CSA, par contre-coup, est une aubaine pour le Rassemblement National. Le calcul serait dès lors de tout faire pour avoir Marine Le Pen en finale, étant donné que jamais elle ne trouvera assez de votes pour être élue. Un débat Macron-Zemmour, ce serait une autre affaire. Macron connaît mieux les dossiers, l'économie, et on imagine mal Zemmour le bousculer sur ces sujets. En revanche, les discussions sur les thèmes sociétaux, environnementaux et civilisationnels peuvent faire le plus grand mal au président sortant, surtout face à un cogneur comme peut l'être Zemmour. Est-ce cette perspective qui explique la surprenante prise de position du CSA ?

Article précédent Article suivant

jeudi 9 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 9 septembre 2021

09/09/2021

J'ai entendu, par bribes, car je suis au travail, l'hommage à Belmondo. Curieusement, le passage musical de la Marseillaise que j'évoquais ici il y a quelques jours, non au sujet de l'acteur, mais de la campagne de Zemmour, a retenti (Liberté ! Liberté ché-éri-e), sans que je ne m'explique son rapport avec le disparu. Et puis, hélas, hélas, la musique d'Ennio Morricone pour je ne sais plus quel film (le Professionnel ?), absolument logique, bien entendu, et résolument révoltante, entre les mains expertes de la Garde Républicaine, me crève le cœur, comme le fait, toutes les fois que j'y songe, la déchéance du vieux professeur "Unrath" dans l'Ange bleu - métaphore lucide d'une civilisation qui s’effondre en oubliant son héritage.

Face à l'info. Z est bon au sujet du procès de Salah Abdeslam : son analyse est brillante, originale, convaincante - même si on imagine que les réactions défavorables seront nombreuses. C'est avec ce genre d'interventions qu'il se rend précieux, car unique, ou presque, dans une offre médiatique très majoritairement portée sur l'édulcoration ou l'omission des faits, quand elle n'avance pas d'analyses baroques pour "sauver la ligne" et perpétuer "la grande parade" qu'avait si bien décrite Revel. C'est là le plus grand point fort de Zemmour, qui présente en même temps une kyrielle de faiblesses criantes. Ce tableau ne fait pas de moi un de ses possibles "électeurs naturels", tant sont grandes les réserves qu'il suscite.

Après un commentaire sur les ONG et le futur de Benoît Hamon, il en vient à la décision du CSA, qui a décidé de décompter son temps de parole à partir d'aujourd'hui. "Les politiques sont tellement lâches qu'ils se cachent derrière un organisme soi-disant indépendant", assène-t-il, et ajoute un "j'accuse" où il cite nommément Emmanuel Macron. Gonflé. La guerre est-elle déclarée ?

Article précédent    Article suivant


mercredi 8 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 8 septembre 2021

08/09/2021

19h, Face à l'info. Je viens de lire que le CSA demandait aux télévisions de décompter le temps de parole de Zemmour (pas encore candidat déclaré), étant donné le poids que sa parole possède sur le "débat politique national". Étrange, car en ce cas j'aurais en tête beaucoup d'autres commentateurs que Z, et depuis fort longtemps. Je scrute la face du chroniqueur : nulle contrariété n'y apparaît. Peut-être l'émission, en léger différé, a-t-elle été tournée avant l'annonce. Est-il possible que Z soit capable d'ignorer superbement cette nouvelle embûche ? À moins que la nouvelle de sa relaxe, dans une n-ième affaire de poursuite par des associations dites antiracistes, ne l'ait placé sur un petit nuage, bien au-dessus de l'adversité.

Z en grande forme, aujourd'hui encore, en commentant les résultats d'un sondage qui apporte de l'eau à son moulin : déclinisme, amour du passé, attente d'une autorité, défiance envers le multiculturalisme, les chiffres, à l'en croire, plaident en sa faveur, mieux, plébiscitent son école de pensée. Son regard s'allume quand, triomphant, il souligne plusieurs fois combien les taux s'exacerbent chez les sympathisants LR. Tiens tiens, s'apprêterait-il à plumer la volaille républicaine ?

Comme hier, Z achève sur les chapeaux de roues au sujet de la culture du bâillon (cancel culture). Il est habile. Quand Christine Kelly l'entraîne sur le contenu des livres détruits, avec leurs stéréotypes vécus par certains Canadiens comme autant d'insultes, il n'entre pas dans le fond, mais affirme haut et fort le droit, le devoir même, d'être choqué. Mine de rien, c'est la définition même d'une société démocratique, dans laquelle tout citoyen doit accepter l'éventualité d'être choqué, chose certes déplaisante, mais moins qu'un régime qui prétendrait supprimer toute survenance d'un incident de cet ordre - autrement dit, un régime totalitaire.

Article précédent Article suivant



mardi 7 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 7 septembre 2021

07/09/202

Face à l'info. On parle du Brésil. D'emblée, Z se trompe sur le printemps des démocraties en Amérique Latine. Il ne suit pas la chute du mur de Berlin mais la précède, d'une dizaine d'années, et trouve son origine dans la démocratisation de l'Espagne et du Portugal, faisant tomber un à un les dictateurs au fil des années 80 et au début de la décennie suivante - sauf évidemment Castro et sa clique. Mais c'est un détail. Zemmour, en grande forme, enfourche son cheval de bataille pour aller guerroyer contre le "gouvernement des juges".

Je comprends que le pouvoir des juges, qui ne sont pas élus et profitent de leur fonction pour endosser un rôle d'idéologues, a quelque chose de très déplaisant. D'un autre côté, la démocratie "du peuple, par le peuple, pour le peuple", est une perspective tout aussi terrifiante : une démocratie intégrale, sans garde-fou, peut verser sans faillir dans le totalitarisme, comme l'a montré l'Allemagne des années 1930. Oui, le plus barbare des États peut être une dictature démocratique, sans oxymore, puisqu'il se contenterait de mettre en œuvre le souhait du plus grand nombre, fût-il porteur de carnages sans nombre. Au passage, il est piquant de paraphraser le mot de Lincoln, cet immense constitutionnaliste, pour défendre une démocratie hors limites.

Le problème est à mon sens un peu différent : dans une démocratie libérale, les contre-pouvoirs institutionnels ne devraient pouvoir s'exercer qu'en rapport avec les droits de l'homme et du citoyen. Ces droits, tous ces droits, mais seulement ces droits. Je parle ici des textes fondateurs, et non des versions dévoyées de l'après-guerre, qui portent la marque des Soviétiques, et encore moins de la définition actuelle qui en font un fourre-tout cauchemardesque. À titre d'exemple, on finirait par oublier que piquer un logement inoccupé n'est pas un droit de l'homme. Trucider son voisin parce qu'il aime Zemmour non plus, au passage.

Je pense que Z est en droit de s'inquiéter du pouvoir des juges. Je ne le suis pas du tout cependant quand il défend une démocratie illibérale.

Décidément en grande forme, fulminant, gesticulant, le verbe empressé, Z a fini l'émission sur les chapeaux de roue, s'employant à démonter un par un les arguments de Sandrine Rousseau et de ses semblables - il manquait simplement un contradicteur, ou une antagoniste, pour que le combat fût complet et réellement convainquant.

Article précédent    Article suivant

lundi 6 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 6 septembre 2021

06/09/2021

L'Homme de Rio ne répond plus. Si je m'écoutais, là, tout de go, et sans égard pour le devoir de réserve qui suit un deuil, je donnerais tout Belmondo pour dix minutes de Delon dans Plein Soleil. Oh, Bébel a fait de bons films, sans aucun doute, à côté d'une belle brochette de navets. Son malheur, et le nôtre, est peut-être d'avoir accepté le rôle de Stavisky, d'essuyer un échec retentissant et de se cantonner par la suite à des rôles d'amuseur public, non sans talent, mais avec beaucoup, beaucoup trop de déchet.

Z note que l'époque de Belmondo, Delon, Bardot, Johnny, aurait regardé avec un drôle d'air la fluidité des genres, et d'autres théories semblables de notre temps. Bien. Sauf que rien n'était nouveau sous le soleil. Charles Boyer incarnait lui aussi, et combien, un magnifique mâle français (je ne me souviens pas qu'on ait mobilisé de la sorte tous les médias pour la mort de Charles Boyer, mais j'étais alors trop jeune, et n'avais de toute façon jamais entendu parler de Charles Boyer). Pour le dire autrement, je regrette que l'on sublime un peu trop, me semble-t-il, l'esprit français et le génie de Belmondo, traits qui étaient présents dans la grande tradition de nos acteurs, dont le talent m'apparaît, bien souvent, supérieur à celui du cher disparu, sans que l'on ne s'avise trop de le célébrer.

dimanche 5 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 5 septembre 2021

05/09/2021

À peine ai-je posé quelques réflexions sur une illustration musicale pour la campagne de Zemmour que je m'avise que celle-ci a déjà commencé, vraisemblablement, par l'intermédiaire d'une tournée de promotion pour son livre à paraître le 16 septembre, "La France n'a pas dit son dernier mot". Le site croiseedeschemins-ez.fr permet aux amateurs de s'inscrire pour des rencontres à travers la France. Une courte vidéo de promotion (https://youtu.be/J1NrHSM-TAQ) a même été tournée à cette occasion. Horreur ! Le fond sonore semble sortir d'une bande originale minimaliste pour série Netflix. C'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi, ça veut dire beaucoup. Notre héritage est-il donc jugé si pauvre par Z et ses camarades pour qu'ils croient bon de nous verser dans les oreilles une telle mélasse, qui est à l'histoire de notre musique l'équivalent d'une ferme d'éoliennes pour un paysage de nos provinces ? Cette curieuse cécité auditive n'est décidément pas raccord avec la défense de notre patrimoine et ne laisse d'inquiéter. Au même titre, d'ailleurs, que la phrase "je raconte [...] nos conversations avec des politiques [...]", drôlement tournée, et où l'on peut regretter que l'emploi de "politiques" remplace "hommes politiques". Une concession à une anglicisation de la langue que l'on n'imaginait pas trouver chez un bonapartiste. Napoléon, reviens, ils sont tous devenus fous !

samedi 4 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 4 septembre 2021

04/09/2021

L'un des traits le plus surprenants, chez cet amoureux de la France millénaire, est l'absence de toute sensibilité musicale en rapport avec notre pays - je veux dire, qui soit à la hauteur de son érudition littéraire. Je ne crois pas l'avoir jamais entendu dire la moindre chose sur Méhul, Lalo, Debussy ou Boulez ; s'il évoque Lully, c'est en rapport avec Molière et Louis XIV, et quand il parle de musique, c'est pour lâcher des considérations sur nos chansonniers (souvent talentueux, il est vrai) et des groupes de rock anglo-saxons. Un défenseur de notre pays vanterait, me semble-t-il, un peu moins les Rolling Stones et un peu plus César Franck, pour la même raison qu'il placerait Guy de Maupassant au-dessus de Sophie Kinsella.

Je me sens l'âme d'un philanthrope, aujourd'hui. Le bruit court que la candidature de Z pourrait être officialisée à mi-octobre (Iéna !) ou mi-novembre (pont d'Arcole !). Cela signifie réunions officielles, grands discours, tournées, avec toute l'organisation que cela réclame. Allons droit au but : quelle musique pour accompagner l'entrée du nouveau candidat ? De la variétoche anglo-saxonne ? On n'y croit pas. Du gnagnan façon Abba ? Pitié. Je me crois fondé à exclure, en l'état du dossier, un éventuel emprunt à un opus de Youssoupha.

Cessons là, le choix s'impose de lui-même :

Amour sacré de la Patrie
Conduis, soutiens nos bras vengeurs !
Liberté ! Liberté chérie,
Combats avec tes défenseurs ! (Bis)
Sous nos drapeaux que la Victoire
Accoure à tes mâles accents !
Que tes ennemis expirants
Voient ton triomphe et notre gloire !

Oui, c'est la Marseillaise, pas le passage que tout le monde connaît, mais l'un des plus beaux, dans la version d'Hector Berlioz. Le refrain commence a cappella, à la façon d'un hymne d'église, pour s'achever par une irrésistible envolée des cordes et une péroraison triomphale quand retentit le refrain. Quoi de plus français en vérité ? Et quoi de plus touchant que ces mots inoubliables murmurés par une foule fervente : "Liberté ! Liberté chérie" ?

https://youtu.be/k1RSdchvYxE?t=375 (à partir de 6 minutes et 15 secondes).



vendredi 3 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 3 septembre 2021

03/09/2021

"Zemmour, il n'a pas toujours tort", laisse aujourd'hui tomber un collègue de bureau, sans que je ne l'eusse auparavant lancé sur Z, ni sur aucun autre sujet politique : la réflexion est venue comme ça, sans préavis, comme une pomme lâche sa branche au terme d'une lente maturation. Je n'ai pas repris le mot au vol, me contentant d'acquiescer d'un air vague, non à ce qu'il disait, mais au fait que j'avais bien reçu le message. Il sera temps de travailler le sujet une autre fois et de savoir pourquoi, selon lui, Z n'a pas toujours tort. Cette expression est assez vague pour s'appliquer à tout un chacun, il est vrai. Qui pourrait-on accuser d'avoir toujours tort ? Macron ? Non, certainement pas Macron, qui dit noir, blanc ou gris à son interlocuteur en fonction de la couleur de celui-ci. Cette attitude de caméléon intellectuel - et condamné par le fait à dire de temps à autre quelques vérités - n'est certes pas celle de Z qui (c'est pour lui à la fois un point fort et un drame) profère sans détours ce qu'il a sur le cœur en se refusant à appliquer les codes convenus du discours public.

J'apprends dans un reportage de LCI (fichtrement mal filmé, on croirait une promotion du gouvernement pour la vaccination) que Z, au 30 août, aurait réuni 100 promesses de parrainage. Eh eh ! S'il y a quête de parrains, c'est bien pour poser une candidature officielle, non ? J'apprends par la même occasion le nom de sa conseillère, dit-on, une certaine Sarah Knafo, d'après ce que je comprends, une "tête", bien faite, bien pleine et, apparemment, "bien" tout court. Attention aux boules puantes, si l'aventure devait se poursuivre ! Pour l'heure, madame Knafo serait bien inspirée de dire à son poulain d'arrêter les mimiques de comptoir et l'essayage de grands chapeaux à plumes, si possible, tant cela, plus que ses idées, risque de lui être fatal. Il serait regrettable que le sauveur de la France chutât à cause d'une pauvre, et bien inutile, grimace, ou d'une frivolité de potache.

jeudi 2 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 2 septembre 2021

02/09/2021

"Des mesures dures à prendre, qu'on ne prendra pas." Z parle de la lutte contre le trafic de drogue. Le "on" qui ne fera rien, bien sûr, c'est Macron. Pas certain que Z au pouvoir ferait, lui, grand-chose de plus. S'attaquer aux trafiquants, c'est enflammer des cités. Que ferait l'état si une dizaine, une cinquantaine, de quartiers dit "sensibles" (ou "populaires" dans la novlangue) entraient simultanément en sédition ? Envoyer l'armée se frotter à des types munis de kalachnikov ? Enfoncer à l'aide de blindés herses, barrages de voitures enflammées et bataillons de lanceurs de mortiers ? Déclencher le plan "Ronce" dont Z avait jadis, à grand bruit, dévoilé l'existence, ou la possible existence ? Envoyer des hélicos "balayer tout ça", comme dans La Chute du faucon noir où des multitudes haineuses et fanatisées périssent sous le feu du ciel ? Peut-être est-ce là notre destin - un destin à la libanaise, comme on dit parfois. Si cela devait arriver, et si l'armée l'emporte, ce qui est loin d'être sûr, étant donné les soutiens moraux dont les "populations défavorisées" jouissent dans une marge importante de la presse et des "influenceurs" - que faire des trafiquants ? Les expulser, dit Zemmour, quand ils ont une nationalité étrangère. Admettons. Et les Français ? Nos prisons sont pleines à craquer.

Après l'affaire Merah, il y a une dizaine d'années, j'ai été surpris d'entendre la même idée dans la bouche de personnes fort différentes, et qui ne se connaissaient pas. Cette idée était de rétablir la peine de mort. Je n'aurais jamais cru qu'on reviendrait un jour sur cet accomplissement. Et les gens qui tenaient ce discours n'étaient pas des fachos, plutôt de gauche même, des gens "de tous les jours", des collègues, des amis. Ça m'était resté quelque part en tête quand un jour j'entendis Z expliquer que le renoncement à la peine de mort, dans un monde où la réclusion à perpétuité n'était plus en usage, n'avait de sens que si on persistait dans le pari qu'un homme peut s'amender. Que le pire criminel peut réfléchir, changer profondément, regretter son geste et devenir, pourquoi pas, quelqu'un de bien. Or, continuait Z (je cite de mémoire), comment voulez-vous qu'un islamiste renonce à son idéologie ? Tout ce qui a touché à la "déradicalisation" s'est évaporé dans un nuage de gaz hilarant. Ça ne marche pas, ça ne peut pas marcher : un homme comme Merah, ou comme les dizaines d'islamistes qui ont ensanglanté notre sol, doit être éliminé de la vie publique, soit en passant le restant de sa vie en prison, soit en subissant le châtiment suprême.

Est-ci ici un aboutissement logique de la pensée de Z ? Je n'en sais rien. Si la "campagne" se poursuit, nous aurons des éclaircissements. L'autre idée qui est apparue dans les mêmes années, me semble-t-il, et proférée par des personnes tout aussi éloignées des pensées extrémistes, était de rouvrir Cayenne, ou autre bagne du même genre, pourvu que l'on éloigne, si possible jusqu'à leur disparition, des gens dont on sait pertinemment qu'ils ne changeront pas et resteront une menace pour nous quoi qu'il advienne ; et tant pis pour eux, tant mieux pour nous, si en s'évadant à la nage ils aiguisent l'appétit d'un requin. Ce n'est pas mon idée - pas davantage que celle du rétablissement de la peine capitale - mais, je le répète, celle que j'ai vu fleurir spontanément çà et là il y a quelque temps, et qui est peut-être retombée depuis.

Ce dont je suis sûr, en revanche, est que le débat de ce soir sur la criminalisation des consommateurs de drogues n'a pas exploré une hypothèse qui me semblait s'imposer naturellement dans le cours de la discussion : si l'on responsabilise ces consommateurs, cela veut dire exactement, non qu'on les mette à l'amende, en prison ou dans un cachot de l'Île du Diable, mais qu'on les rende responsables de leurs actes. C'est le principe même d'être adulte, chose oubliée dans une société où l'État met son nez partout en ne résolvant rien. Ici, "responsables de leurs actes", cela signifie qu'ils doivent être comptables, non seulement des méfaits qu'ils pourraient commettre - je parle de l'atteinte au bien d'autrui - mais également du coût de leur prise en charge si jamais ils avaient besoin d'assistance médicale. L'idée peut être choquante, mais elle n'est pas en soi hors du débat - ou en tout cas elle ne devrait pas l'être, si n'était un plateau composé d'étatistes plus ou moins forcenés, dont Z est l'emblématique tête de file.

mercredi 1 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 1er septembre 2021

01/09/2021

Une petite victoire qui agace beaucoup de monde. Le débat politique tourne autour de Zemmour et de sa possible candidature, Mélenchon en parle pour s'en gausser, se prenant les pieds dans le tapis au passage en mélangeant langues arabe et berbère, ce qui étonne d'un homme instruit et porté sur la glorification de l'autre. Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, fustige le promoteur d'une "France rabougrie" (ce qui change de "nauséabond"), la droite classique, entre affolement et adhésion, s'interroge sur sa candidature, le rassemblement national s'échauffe à son tour, allant jusqu'à évoquer le grand remplacement, sujet jusque-là tabou dans ces parages. Une séquence de l'émission de Yann Barthès l'a pris pour cible, sans grand talent ni traits d'humour qui ne se résument à un lourd ricanement, dans une séquence intitulée "la réac du réac". Je ne doute pas qu'on trouve de pareilles offensives à France Inter ou autres médias de la même obédience, dont le recensement serait fastidieux. Peut-être que le dénigrement portera et finira par rendre légitime l'exclusion définitive des soutiens de Z dans les réseaux sociaux. Pour l'heure, beau succès : tout mène à Z, à la fureur de ceux qui, voulant le dénigrer, contribuent à installer son nom dans le débat public.

mardi 31 août 2021

Zemmour au fil des jours - 31 août 2021

31/08/2021

Z pertinent sur le Grand Remplacement. Le discours de Renaud Camus est fidèlement formulé, chose rare dans la presse. Pertinent mais casse-cou : il va se faire taper dessus en liant, à la lumière des travaux de France Stratégie publiés par Causeur, les naissances extra-européennes et l'explosion de la délinquance. Ça sent le procès, encore un, et en tout cas des hauts cris des habitués du fait. Z termine en parlant de Marseille, "ville du tiers-monde". On a beau connaître l'homme, savoir d'avance ce qu'il va dire, il finit toujours par surprendre, inventer quelque nouvelle tournure acérée et éloquente qui ajoute une nouvelle couche à son discours. C'est une qualité, quoi qu'on pense du fond, un vrai talent de rhétoricien, tel le don d'un peintre capable de renouveler admirablement un paysage, toujours le même, brossé de longue date, en y ajoutant de nouvelles idées, d'autres lumières, et en creusant des ombres pour mieux accuser tel recoin qu'on pensait mille fois visité. L'émission se termine sur l'anniversaire de Z - bon enfant - mais il est terriblement gênant de voir ces chroniqueurs s'amuser comme des collégiens après une heure passée à dresser le terrifiant portrait d'un monde qui s'effondre. Et je n'ose imaginer l'emploi que certaines bonnes âmes feront de l'image d'un Z revêtu d'un chapeau de mousquetaire surplombé d'une longue plume. Décidément, difficile de le voir en président crédible, à croire que cette opération malplaisante dans sa diffusion publique n'a été organisée que pour nuire à sa campagne.

lundi 30 août 2021

Zemmour au fil des jours - 30 août 2021

30/08/2021

Face à l'Info : c'est la grande rentrée. Zemmour ne dit rien sur sa candidature. Réflexions essentielles (au sens propre) sur le tombeau des empires, l'Afghanistan, au mépris de l'histoire (les USA ne sont pas un empire, en tout cas pas selon la façon anglaise, russe ou soviétique ; leur intervention avait pour but de mettre fin à Ben Laden et à empêcher ceux qui l'ont accueilli de recommencer. Le premier terme est atteint, le second a priori non, restons prudents malgré l'ampleur de la débâcle. Rien à voir avec l'URSS qui voulait s'ouvrir une route vers le golfe Persique et la route du pétrole). Z est brillant, même quand il a tort - et il a souvent tort - mais ses réparties font mouche face à des adversaires qui n'ont pas son à-propos. En revanche son attitude, avec ses mimiques, grimaces et œillades complices, ne cadre pas du tout, du tout, avec celle d'un homme à la tête du pays. On peine à s'imaginer Z diriger la France avec de telles postures. Et ce n'est pas la même chose d'être sur un territoire dont on maîtrise tous les codes - un plateau de télévision - et où il déploie tout son savoir-faire que d'entrer dans le combat politique avec des adversaires autrement plus vifs et puissants.

Il est pertinent sur le danger islamique. Pour le reste, ses raisonnements sont entachés d'idéologie (l'âme des peuples, le "destin" français, etc.) et ne peuvent mener qu'à la catastrophe. Le choix est donc entre deux dangers : celui de l'islam ou celui de l'idéologie zemmourienne. Aujourd'hui, le premier paraît plus important, car déjà là, en train de travailler la société en profondeur. Hélas, Z est le seul à en parler ouvertement, et avec à-propos.

dimanche 26 février 2017

Notes sur "Comprendre l'islam - ou plutôt : pourquoi on n'y comprend rien", d'Adrien Candiard

Je dois à un ami très cher, érudit et grand lecteur, la découverte du livre signé Adrien Candiard, édité dans la collection "Champs actuel" de Flammarion en 2016. Une découverte fort bienvenue. En une centaine de pages, sans temps morts ni verbiage, A. Candiard illumine et renouvelle par moments notre perception de l'islam. L'on apprécie une rédaction dénuée de passion, entièrement vouée à l'érudition sans pour autant verser dans la sécheresse, ce qui fait de ce livre un objet de valeur.

Adrien Candiard : Comprendre l'islam - ou plutôt : pourquoi on n'y comprend rien

Adrien Candiard : Comprendre l'islam - ou plutôt : pourquoi on n'y comprend rien
Flammarion 2016


Mais son contenu n'est pas pour autant dépourvu de surprenants silences ou d'inférences discutables. Je propose ci-dessous une synthèse suivie de quelques commentaires.

En résumé


L'ouvrage comporte une introduction, un développement en trois parties et une conclusion.

L'introduction plaide pour une compréhension objective et documentée de l'islam, sous peine, nous dit l'auteur, « de ressembler à Daech ».

La première partie « Deux impasses pour un paradoxe » nous invite à éviter deux erreurs courantes : « La première, c'est de croire que l'islam existe ; la seconde, de croire qu'il n'existe pas. » Cette formulation percutante sert une analyse qui sous-tend l'ensemble du livre : l'islam existe bel et bien sans pour autant représenter un bloc que l'on pourrait essentialiser. Il vaudrait mieux parler « des islams », au pluriel, tant la diversité des pratiques et des cultes est différente dans le temps et dans l'espace. La violence des islamistes est une réalité, mais ne définit à elle seule ce courant de pensée si divers. Sans cette conscience d'une véritable pluralité, tout discours concernant « l'islam » ne saurait qu'être expéditif et dénué de valeur intellectuelle. De plus, l'on ignorerait les deux grandes déchirures de cette religion, écrit A. Candiard, celle entre les sunnites et les chiites d'une part, et d'autre part les combats au sein du sunnisme pour définir l'orthodoxie.

La deuxième section, intitulée « Comprendre les crises de l'islam contemporain », explicite et développe les origines de ces deux déchirures. Le grand schisme est survenu autour de la succession de Mahomet, mais c'est au XXe siècle, lit-on p. 51, que le chiisme « devient un concurrent du sunnisme jusque sur son terrain privilégié, le monde arabe ». L'écho de la révolution iranienne de 1979 est considérable. La nouvelle République islamique s'oppose aux états sunnites s'efforçant de se constituer en modèles, comme la Turquie ou l'Arabie saoudite.

Mais le sunnisme lui-même est miné par une profonde querelle interne. L'islam impérial, qui organisait plusieurs puissances sunnites depuis le Moyen-Âge, s’accommode difficilement de la modernité. Ce modèle était parvenu à faire vivre « bon an mal an » des populations diverses en son sein, notamment en parvenant à une certaine sagesse rendue possible par diverses interprétations, toutes légitimes, du Coran et de la tradition du Prophète.

L'effacement de ce pouvoir face à la montée en puissance de l'Occident encourage la naissance du salafisme, un courant de pensée qui prône un retour aux sources de la tradition, en réaction au dévoiement de l'islam impérial. « La majorité des salafistes sont quiétistes », écrit A. Candiard page 69, mais attention : « toutes les dérives terroristes naissent de l'idéologie salafiste » (p. 81)

Il est donc de la première importance, insiste l'auteur, de bien distinguer ce que l'on appelle islamisme ou islam politique, héritier de l'islam impérial, organisé autour d'un état, et le salafisme, inspiré par une époque mythique et dès lors disposé à « dynamiter les structures politiques modernes » (p. 80.) Les Frères musulmans, le régime iranien ou le FIS algérien relèvent de la première catégorie. Sous la bannière du salafisme, en revanche, l'on trouve Al-Qaida, l'Etat Islamique, le GIA et plus généralement les terroristes djihadistes.

La 3e partie, « De quelques questions légitimes (et quelques idées reçues) », discute trois interrogations fréquentes. « L'islam est-il incompatible avec la démocratie ? », « Peut-on interpréter le Coran ? » et « L'islam est-il irrationnel ? » . Je reviendrai plus bas sur certaines questions et les réponses apportées.

La courte conclusion rappelle la nécessité de penser l'islam comme un monde pluriel, et s'interroge sur l'expression « islam modéré ». Le problème c'est que cette injonction sous-entend que « les salafistes sont davantage musulmans que les autres » (p. 119) : est vraiment le message à faire passer quand on exhorte les musulmans à se "modérer" ?

Quelques notes


Le livre, on l'a dit, est très bien écrit et je ne peux qu'en recommander la lecture. Je voudrais néanmoins souligner quelques passages qui posent question. Je ne m'attacherai pas ici à des points de doctrine, que ma faible connaissance du domaine ne me permet nullement de discuter, mais à certaines inférences qui tendent le discours.

La violence

Le Coran est "un texte à peu près incompréhensible" (p. 25) et seule une interprétation permet d'en saisir le sens. Et encore, ces interprétations sont multiples, rappelle A. Candiard. A partir de ce constat, on aurait aimé savoir quelles sont les différentes interprétations possibles du verset du sabre, ou d'autres sourates de la même veine, qui appellent à la lutte. On entend bien que le livre sacré est lui-même d'une lecture ardue, il n'en reste pas moins que certains de ses passages sont d'une grande clarté. L'auteur en recopie deux, page 14, un "guerrier" et un "pacifiste". Aussi saisit-on avec peine la précaution de langage annonçant, p. 28, que le texte coranique n'est pas violent tout en offrant "une certaine disponibilité à un usage violent". Est-ce "offrir une certaine disponibilité" que d'appeler sans nuance au combat et à l'humiliation ?

La réponse se trouve sans doute dans l’interprétation contextuelle abordée par A. Candiard, sans être outre mesure explicitée. On aurait pourtant aimé savoir si la notion des "deux Corans" (celui de la Mecque et celui de Médine) professée par certains commentateurs repose sur des bases solides.

La démocratie

On lit avec grand intérêt les pages expliquant que les islams, si divers, donnent toutes les possibilités à une pratique apaisée et respectueuse de s'épanouir. Sans entrer dans le détail de l'argumentaire – ce que je serais bien incapable de faire – j'observe que cet apaisement relève plus du désir inaccompli qu'autre chose. Même dans les pays musulmans les plus « apaisés » ou, disons, les plus « démocratiques », on est désolé de lire dans la presse les condamnations pour blasphèmes ou pour pratiques homosexuelles. Comment ne pas s'étonner qu'un islam si multiforme, et ouvert à maintes possibilités d'épanouissement, ne se soit jamais développé, à travers tant de contrées et au fil de l'époque contemporaine, dans le sens d'une société respectueuse des choix intimes des individus ?

Quand les faits démentent une analyse, il n'y a guère que trois solutions : admettre que l'analyse est fausse, apporter des faits nouveaux qui la soutiennent, ou s'inscrire dans un futur hypothétique. C'est cette troisième voie que choisit l'auteur, tout en restant prudent sur le sujet. L'histoire moderne, écrit-il, « nourrit le soupçon » (p. 85-86) sur l'adéquation entre islam et démocratie. Mais, ajoute-t-il aussitôt, cette même question ne s'appliquait-elle pas à Allemagne en 1945 ?

La valeur opératoire d'une telle comparaison est discutable. L'Allemagne avait été avant le nazisme une démocratie, et si une question devait être posée après la guerre, c'était celle de savoir si elle pouvait le redevenir, et non le devenir, ce qui n'a pas du tout le même sens ni la même portée historique. La question se pose bien davantage au sujet de la Russie, et l'actualité nous porte à penser qu'un horizon démocratique dans ce pays n'est encore, au mieux, qu'une lointaine perspective.

Au crédit de sa thèse, A. Candiard souligne (p. 96) que les législations civiles ont été adoptées dans un grand nombre de pays musulmans au XXe siècle, par un vote parlementaire ou d'autres procédures non religieuses, ce qui semble contredire une incompatibilité de l'islam avec la démocratie.

Ce manque de recul surprend. Les plus sévères dictatures n'ont-elles pas eu de parlements, et même des parlements élus ? Contrairement à ce que peut faire croire sa stricte l'étymologie ("souveraineté du peuple"), l'existence d'élections ne suffit en aucune manière à définir à elle seule une démocratie. Il faut déjà que ces élections ne soient pas biaisées : on a connu, hélas, trop d'exemples de scrutins à bulletin unique ou avec des listes fantoches. Et elles doivent être encadrées par un système de valeurs qui place les droits naturels (comme la liberté de conscience) au-dessus des choix du peuple.

Existe-t-il des faits nouveaux qui iraient dans le sens d'Adrien Candiard ? Je suis prêt à admettre que certains pays musulmans sont respectueux de l'individu athée, de l'homosexuel ou du lecteur de Salman Rushdie, mais, jusqu'à plus ample informé, je n'en connais pas.

L'hypothèse est-elle alors fausse ? Je n'ai pas la réponse. J'observe simplement qu'un regard empirique n'incite pas à l’optimisme.

Une 3e déchirure ?

Les pages consacrées à la double crise interne (p. 44 et chapitre 2 : opposition entre sunnites et chiites, lutte pour l’orthodoxie au sein du sunnisme) sont passionnantes. On peut se demander s'il n'existe pas une troisième déchirure. Le hiatus entre le confort contemporain, procuré par les bienfaits médicaux et technologiques, et l'ambition d'une civilisation millénaire, n'est peut-être pas sans conséquence sur l'homme de la rue, au Caire ou ailleurs, bien obligé de se rendre à l'évidence d'une certaine stérilité de sa société dans ce domaine.

Cette "déchirure" est-elle une fatalité ? On veut penser le contraire. Certains états musulmans comme la Turquie, cette "Chine de l'Europe", ont développé un appareil industriel de valeur soutenu par une économie capitaliste (mais guère "libérale" comme il est mentionné à tort p. 78.) A quand un passage au stade de l'innovation technologique ? La réponse est sans doute étroitement liée à celle de la démocratisation, dont nous avons parlé plus haut.

Il reste intéressant de noter que des mouvements salafistes, en dépit de leur promotion des lointains temps du Prophète, s’accommodent fort bien de la technologie. L'Etat islamique s'appuie sur une importante expertise de l'internet et des smartphones. Et l'on mesure la distance qui les sépare de communautés anabaptistes, comme celle des Amishes, qui se réclament elles aussi d'une pureté originelle, en l'occurrence celle des premiers chrétiens. Il est curieux que ce même objectif produise deux résultats opposés. Les Amishes refusent la technologie et cultivent la non-violence. C'est peut-être aussi le cas des salafistes quiétistes, mais certainement pas celui des mouvements guerriers, experts à la fois en technologie et en atrocités.

Le futur

Une chose surprend dans Comprendre l'islam. Son rédacteur place toujours la croyance en Dieu comme préalable à toute réflexion sur l'avenir des musulmans. Page 98 : « demander aux musulmans de renoncer à la révélation  » ? Cela est « impossible » : « c'est exiger d'eux de renoncer à l'islam. »

Je vois ici un point de désaccord. Un pays chrétien n'est pas un pays composé d'une majorité de fidèles chrétiens. C'est un pays où la plupart des gens admettent leur attachement à la civilisation chrétienne et se reconnaissent dans les valeurs de cet héritage. La différence entre les deux, c'est la notion de croyance. Chacun d'entre nous connaît des chrétiens pas du tout croyants. Le mot "chrétien" définit dès lors deux populations. Celle des fidèles est naturellement incluse dans celle, plus large, des porteurs d'un héritage. Ces derniers ne s'attachent pas particulièrement au fait que Jésus ait, ou non, marché sur l'eau. Les récits bibliques sont un corpus de textes qu'il ne tiennent pas forcément pour sacrés, disons qu'ils y pensent comme l'on peut évoquer les légendes de la Grèce antique, avec intérêt ou non, mais enfin, sans se préoccuper outre mesure de leur contenu.

Or, j'ai connu beaucoup de musulmans qui se moquaient comme une guigne de savoir s'il y avait eu révélation ou non, restaient étranger à toute pratique rituelle et ne se préoccupaient guère de connaître l'origine des mets qu'on leur servait. Ce ne sont pas des vrais musulmans ? Eh bien, tout dépend de quoi l'on parle. Il n'en sont pas au sens de fidèles. Mais ils en sont bien comme porteurs d'un héritage. Car, si l'on prend soin à distinguer les multiples facettes d'un islam si divers, il devrait en être de même avec les individus de cette civilisation. Beaucoup sont croyants, sans doute, mais certains ne le sont pas, ou bien dirons-nous, ils croient « avec distance », comme le font bien des Occidentaux envers la chrétienté. 

Cette distinction est essentielle : sans elle, on méconnaîtrait cette réalité ténue mais cependant tangible de musulmans nullement gouvernés par leur foi tout en étant attachés à leur tradition. Et c'est bien dans cette fragile différence que j'entrevois, pour ma part, le mince espoir d'un islam moderne et apaisé. 



*
**


Ces quelques commentaires ne sauraient amoindrir en quoi que ce soit l'immense intérêt procuré par Comprendre l'islam. J'ai voulu, à travers ces "notes de lecture", approfondir certaines idées abordées par ce livre, et chacun peut comprendre qu'un thème si vaste ne peut être épuisé par un essai conçu pour être concis et voué à l'efficacité du discours. Peut-être un prochain ouvrage d'Adrien Candiard nous permettra d'explorer certains des thèmes effleurés ici : nous l'attendons avec impatience.

Alain Chotil-Fani, février 2017

jeudi 2 février 2017

Fillon et la soupe au Canard

Eh ! Monsieur du Canard, où étiez-vous quand le crime fut commis ?



Tout le monde déplore avec juste raison les agissements d’un élu qui a été pris la main dans la marmite, mais personne ne remet en cause la marmite elle-même. Car enfin, que de telles pratiques aient pu perdurer pendant plus d’une décennie sans que cela ne fasse scandale, cela pose un sacré problème. Que dirait-on d’une police qui s’enorgueillirait de boucler un truand dix ans après un hold-up réalisé au vu de tous ? Et nos autorités judiciaires n’ont-elles pas prévu un petit budget pour faire un minimum de contrôle sur les finances distribuées à nos élus, parmi les monstrueux 57% du PIB consacrés aux dépenses publiques ?

Ben non. C’est que, voyez-vous, le système est un authentique pousse-au-crime. Les turpitudes qu’il permet (on n’ose écrire : « qu’il encourage ») en font un terreau de népotisme, de passe-droits de tout poil, de financements douteux sur le dos du contribuable.

On aura la peau de Fillon, se réjouissent certains. Bien. Mais personne ne parle d'avoir la peau du mammouth gavé de subventions qui rend justement possible des dérives à la Fillon. Le mot dérive est sans doute mal choisi : dans la logique interne des choses, il s’agit d’une marche normale des événements. Car l’échafaudage qui soutient la charpente démocratique a un vice de forme. Il a été fait en temps de guerre, pour un chef de guerre. La Ve République encourage le monarchisme, les dérives courtisanes, récompense les flatteurs et habiles intrigants en faisant taire les contre-pouvoirs. La constitution gaullienne a fait de notre système politique une institution obèse, pataude, à la fois toute-puissante et inefficace, qui engloutit jusqu’à la nausée l’argent des contribuables. Le résultat, on le voit aujourd’hui. Mais châtier le coupable ne rendra pas la pétaudière plus vertueuse.

La presse est-elle un contre-pouvoir ? Quand elle se déchaîne des lustres après les faits reprochés, on en doute. Imagine-t-on Woodward et Bernstein publier la bombe du Watergate au beau milieu des années 80 ? Ah, mais c’est vrai, c’étaient des journalistes, eux. Et leur journal ne bénéficiait pas des prébendes généreuses d’un état bienveillant. Doit-on s’étonner qu’une presse subventionnée puisse s’interroger à deux fois avant de donner un coup de pied à la marmite où mijote la soupe si savoureuse ? Le Canard, si fier de ne pas infliger de publicité à ses lecteurs, ne crache pas, semble-t-il, sur une manne de plus d’un demi-million d’euros en guise de compensation du tarif postal, si l’on en croit ceci. On aura connu des rebelles plus soucieux de leur indépendance. 

samedi 14 mai 2016

Fiasco : une nouvelle par les news

Que penserait de notre époque un historien du futur s'il n'avait à sa disposition qu'une vision des pages de news, telles qu'elles apparaissent dans internet avec leur seul titre et, parfois, le début de l'article, sans le détail de ces informations ?

Des news aux nouvelles, il n'y a qu'un clic dans Google Translate. J'ai donc décidé d'écrire une nouvelle avec des pages de news. De fausses infos, mais des infos crédibles - tel est en tout cas mon but. Le projet est de raconter une histoire par l'enchaînement, jour après jour, des actualités brutes telles qu'elles s'affichent dans un navigateur.

Les infos ne sont pas détaillées. Un clic sur leur titre affiche le jour suivant. Au lecteur de se faire une idée de ce qui est en train de se passer à partir de ce qu'il a sous les yeux.

Mon intention n'est n'est ni parodique, ni ironique, pas davantage pervertie par une idéologie extrémiste. Je me suis efforcé de conserver une stricte objectivité, à partir de l'observation quotidienne des flux d'informations déversés par le web.

Le résultat, Fiasco News, est donc une fiction, une oeuvre de l'imaginaire. Elle n'implique en aucune façon les personnes ou les organisations citées au fil des pages. Les opinions exprimées çà et là sont celles des journalistes - fictifs - qui les ont rédigées pour leurs journaux - tout aussi fictifs ; elles ne reflètent pas forcément mes propres convictions.

Je n'ai utilisé que des images dont les droits sont libres, en tout cas présentées comme telles dans les moteurs de recherche et diverses banques en ligne. Si tel n'était pas le cas, je m'engage à les retirer sur simple demande des ayant-droits.

Alain CF


samedi 9 janvier 2016

L’hypothèse interdite





La France moderne, et plus généralement la civilisation occidentale, se sont formées autour d’une idée maîtresse : la passion de la vérité. De là les principes de société qui récusent tout usage opérationnel d’une pensée magique. Cet attachement à la chose scientifique porte très concrètement ses fruits dans les progrès de la médecine et les grands projets industriels et techniques des XIX et XXe siècles. Le fait superstitieux, ou religieux, est dès lors confiné au domaine privé. Chacun, en effet, est libre de croire ou de penser ce que bon lui chante, tant que cette croyance ou cette pensée ne se traduisent pas par des actes (y compris politiques) en contradiction avec les droits naturels.

Nul ne songerait, en pays libre, à lui contester ce droit. Mais ce droit est au même titre celui de ceux qui critiquent cette pensée magique. La tolérance ne consiste pas à respecter bouche bée toutes les manifestations de l’irrationnel : elle se borne à refuser tout usage de la violence envers nos contradicteurs, et à mettre en oeuvre les principes du débat. Elle n’est pas, comme on l’entend trop souvent, un mutisme confit devant des gris-gris ou des manifestations bigarrées : elle doit être le droit de les juger et même, à l’instar d’un Swift, de les mettre en boîte.

De toutes les études qui déferlent sur la place des musulmans dans l’Europe de demain, je m’étonne de ne voir jamais formulée une hypothèse toute simple, pourtant évidente. La foi est une opinion ; un homme use donc de sa liberté en modifiant cette opinion. En dépit de cela, l'idée qu'un individu puisse délaisser sa foi en l'islam n'est guère envisagée. De même, un enfant né dans une famille musulmane n’est pas voué à devenir lui-même musulman : soit par volonté de sa famille de ne pas «l’embrigader» dans cette filiation civilisationnelle, et de lui laisser en quelque sorte le choix de s’orienter, une fois venu l’âge de raison, vers le mode de pensée qui lui paraît le plus approprié ; soit par son propre désir d’individu ressortissant d’un pays libre de s’émanciper d’une culture qui lui aurait été imposée.

L’hypothèse qu'un musulman demeure un individu par essence adepte de l'islam, ou que des musulmans n’engendrent que des musulmans, n’est pas seulement fausse : elle est dangereuse. Elle fait accroire l’idée que l’islam est une race, concept dangereux et controversé mais qui pourtant est implicite dans les projections d’avenir. L'on ne se défait ni de sa couleur de peau ni de ses origines, mais tout un chacun choisit son école de pensée. Il est étonnant que le sous-entendu de ces fameuses prospectives ne fasse pas scandale, sauf si l'on admet avoir renoncé à l’une des plus belles conquêtes de la modernité : celle qui rend l’individu souverainement libre.

Je ne suis pas dupe de l'aspect polémique de cette hypothèse. Par un renversement de sens aussi curieux que fâcheux, la simple évocation d'un affranchissement individuel est devenue le symptôme d’une insupportable barbarie. Rendre les hommes éclairés au sens voltairien, donc plus libres, est vu comme un inadmissible viol de l'esprit. Cette insoutenable légèreté de la pensée critique face aux injonctions du moment - ne pas amalgamer, ni juger ni stigmatiser, tout respecter, y compris les pires inepties, s'indigner, oui, mais uniquement contre nos propres valeurs - signe un renoncement devant le fait accompli et souligne notre abandon collectif de toute volonté à changer les choses.

Je ne m'illusionne pas au point de penser que cette émancipation puisse se faire aisément. Je ne suis pas assez naïf pour ignorer le poids des traditions et la force du nombre, et, parfois, les effets d'une vigilance tatillonne et quasi institutionnelle de préceptes religieux. Je ne méconnais pas les châtiments promis aux convertis et aux apostats. Mais je sais aussi que l'un des rôles de l'Etat est - ou devrait être - la protection scrupuleuse des individus : notre Déclaration de 1789 édicte la "résistance à l'oppression" comme l'un des droits imprescriptibles. Et j'observe çà et là, parmi mes connaissances, des témoins croisés sur la toile ou même des hommes célèbres (prenez Djibril Cissé), un mouvement timide mais bien réel de personnes ayant choisi de renoncer à l'islam.

Je pose ici un constat dénué de passion. Une presse souvent extrémiste a beau annoncer une "déferlante musulmane", le monde de demain n'est peut-être pas celui qui nous est promis. Je ne parle évidemment pas des islamistes venus porter le fer de la guerre en Europe, mais des autres gens venus en quête de refuge en fuyant la barbarie. Ces hommes peuvent changer : cette évidence me semble trop souvent oubliée. Encore faut-il que la société qui les accueille se donne les moyens de favoriser ce changement et de veiller à ce que les sourcilleux gardiens de la tradition ismaélienne se contentent d'exposer leurs arguments et renoncent de fait à toute action violente : c'est en renouant avec des valeurs aujourd'hui oubliées que les autorités favoriseront l'expression de cette liberté à reconquérir.