dimanche 26 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 26 septembre 2021

26/09/2021

Poursuivons avec "La France n'a pas dit son dernier mot". Zemmour se croit fondé à fustiger le libéralisme quand il rappelle la crise des subprimes de 2008. "La droite félicitait [Sarkozy] d’imiter le libéralisme américain qui, au contraire des banques françaises, ne s’encombrait pas de précautions en tout genre", écrit-il. Cette phrase veut peut-être dire quelque chose si l'on prend le mot "libéralisme" dans l'acception fumeuse et incorrecte que lui donne Zemmour ; en revanche ceux qui voudraient respecter à la fois le sens des mots et la vérité historique savent combien cette assertion est fausse. Les banques américaines étaient bien au contraire obligées d'accorder des prêts à des ménages défavorisés en vertu de la législation : il s'agit sans ambiguïté d'une faute grave de l'État, et non d'une conséquence du libéralisme. Histoire connue : l'interventionniste censé être bénéfique entraîne catastrophes en série et appelle de nouvelles mesures "correctives" qui ne font qu'accentuer le désastre. La crise financière de 2007-2008 n'était pas une crise libérale, mais essentiellement étatiste, dans la droite ligne d'autres grandes crises contemporaines.

Sautons quelques phrases : "Les subprimes étaient un moyen ingénieux, inspiré de l’administration démocrate sous Clinton, de favoriser l’accession des plus pauvres à la propriété en ajoutant aux critères habituels de l’obtention des prêts la valeur du bien acquis. Les libéraux les plus dogmatiques jubilaient : ils démontraient avec éclat que le marché aide les pauvres à sortir de leur état quand la réglementation étatique les y enferme." Non-sens : ce "moyen ingénieux" étant le fruit du bon vouloir irréfléchi d'un État aveugle, on voit mal comment les libéraux, mêmes "les plus dogmatiques", auraient pu jubiler. On rappelle qu'un homme politique attaché au libéralisme, Ron Paul, avait dénoncé dès le début des années 2000 l'aberration de ce système et les dangers qu'il faisait porter à toute l'économie. Et s'il y avait une raison de jubiler, c'est en constatant que le libéralisme, tant bien que mal, a tiré l'homme de son état naturel et immémorial de trompe-la-mort en produisant une augmentation générale de la richesse : pour paraphraser une formule célèbre, les riches sont de plus en plus riches, tandis que les pauvres sont de plus en plus riches.

On n'est pas étonné de voir Zemmour se fournir en munitions auprès de Jean-Claude Michéa, auteur d'essais à charge sur un fatras idéologique sans queue ni tête qu'il nomme, pour rester dans l'air du temps, "libéralisme".

Trouver de tels travestissements de la réalité dans le succès de librairie du moment est consternant, et n'augure rien de bon pour le quinquennat que Zemmour dirigera peut-être. D'un autre côté, les préjugés anti-libéraux étant si répandus, et si acceptés par la totalité, ou presque, de la classe politique et journalistique, il n'est pas certain qu'un autre président adopte une position plus judicieuse.

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