mardi 26 octobre 2021

Zemmour au fil des jours - 26 octobre 2021

26/10/2021

On se demande combien gagnent les scénaristes de Netflix, Canal +, Disney, etc., pour nous pondre des histoires souvent indigentes aux dialogues mille fois entendus, quand on découvre la séquence qui mit hier, en direct, Eric Zemmour en position de dialoguer avec une femme voilée. Contenu explosif, apparemment, puisque le tweet annonçant l'extrait a été retiré presto par Cnews, et que la vidéo elle-même a, dit-on, disparu de Youtube. Je ne sais pas ce qu'il en est mais je l'ai trouvée il est vrai sur Dailymotion - ci-dessous - sans aucune garantie qu'elle fonctionne. Gardons-nous des sortilèges de l'image : le verbatim du dialogue permet, je pense, de mieux comprendre encore par quels détours est passée la discussion et de quelle manière le dialogue parfois vif s'est déroulé. Un dialogue, je le répète, qu'aucun cinéaste n'aurait osé imaginer, et surtout pas présenter sous la forme qui suit.



Jean-Marc Morandini Je voudrais savoir, Rachida, pourquoi vous portez le voile ?

Rachida Bonjour monsieur Zemmour, bonjour monsieur Morandini. Si je porte le voile aujourd'hui, c'est parce que j'ai choisi de le porter. Je le porte depuis peu, mais c'est vraiment parce que mon cœur, ma foi, m'a dicté, m'a guidé vers ce voile, vers ma confession qui est musulmane. Pourtant je suis française, mais j'ai ma petite religion, qui est très grande, et que je respecte, comme toutes les autres religions. Ce voile, ce bout de tissu que je porte sur la tête, fait de moi la femme que je suis, et je ne changerai pas.

JMM Est-ce que ça vous choque, Eric Zemmour, de voir Rachida dans la rue, comme ça, avec le voile ?

Zemmour Oui. Et je vais lui dire pourquoi.

R Dites-moi.

Z D'abord, si vous voulez, est-ce que vous imaginez, à la Mecque, une jeune femme en minijupe ?

R Je ne suis pas à la Mecque.

Z Par respect pour la Mecque, elle ne mettrait pas une minijupe.

R Comment pouvez-vous comparer la France...

Z Ah mais la France pour moi est sacrée. Ça c'est une première chose.

R Oui, mais comment pouvez-vous parler de la France...

Z (en même temps) Donc par respect... en France...

Z Vous savez, il y a un vieil adage en France, qui dit "à Rome, fais comme les Romains".

R D'accord.

Z Donc à Rome on fait comme les Romains. Au Maroc, on fait comme les Marocains.

R Mais je fais, je suis française, je travaille...

Z (en même temps) Non, non, madame, vous ne faites pas comme les Français

R ... je travaille, je paye mes impôts, j'éduque mes enfants

Z Mais ça...

R ... mes enfants vont à l'école, je travaille, j'ai toujours travaillé, ça fait vingt ans que je travaille...

Z Chère madame...

R ... j'ai toujours respecté mes frères, mes sœurs, mes cousins, mes voisins, mes amis, mes collègues, mes patrons...

Z Chère madame...

R Je les ai toujours respectés.

Z Ça, vous le... je peux parler ?

R Et ce bout de tissu, M. Zemmour, excusez-moi, ce bout de tissu M. Zemmour, ne fait pas une personne, je suis une femme. Voyez la femme que je suis, ne voyez pas le tissu que je porte sur la tête.

Z Moi je ne vois que le tissu que vous avez sur la tête. Parce que vous, vous ne montrez que ça. Voilà. Quand vous êtes dans l'espace public, qu'est-ce que vous... laissez-moi répondre.

R Oui, je vous laisse parler.

Z ... vous montrez votre tissu. Donc vous dites à tout le monde : "je suis musulmane".

R Non.

Z La France... bien sûr que si ! La France, vous savez, c'est la laïcité. On n'est pas dans un pays arabo-musulman.

R Mais justement ! C'est un pays laïc !

Z Laissez-moi finir. Laissez-moi finir. Laïc, qu'est que ça veut dire ? Ça veut dire, d'une part, la liberté religieuse, mais ça veut dire aussi, madame, le devoir de discrétion. Ça veut dire que dans l'espace public, on ne dit pas à tout le monde "vous voyez, je suis musulmane". Non ! On dit  "je suis français". Je finis. Vous savez, madame, quand vous dites...

R Un bout de tissu.

Z Un bout de tissu qui veut dire tout !

R Non.

Z Madame, le vêtement est éminemment politique. Et je vais vous dire quelque chose : vous savez, vous dites, "c'est moi qui l'ai voulu, c'est ma foi, etc."

R Oui.

Z Bon. Vous savez très bien que l'islam ne repose pas exclusivement sur la foi, qu'il y a des injonctions très strictes, très précises...

R Ni sur un bout de tissu.

Z Ni sur un bout de tissu. Très strictes, et qui avant tout relèvent du contrôle social. Donc en vérité, il y a antithèse, antinomie, entre la liberté individuelle que vous revendiquez, et l'islam qui est une religion qui ne connaît pas la liberté individuelle, puisque islam veut dire soumission.

R Non.

Z Donc quand vous nous dites...

R Non.

Z Ah si madame, islam veut dire soumission.

R Non.

Z Qu'est-ce que ça veut dire ?

R Soumission, ça veut dire qu'il faut que je demande l'autorisation à mon mari, pour que je...

Z Non, non, non, non. Vous demandez l'autorisation au texte.

R Non !

Z Vous demandez l'autorisation au texte.

R Je suis une femme libre.

Z (en même temps) c'est le texte qui vous commande.

Z Non, madame. Vous n'êtes pas libre, non.

R Libre. Et c'est ce que j'inculque...

Z (en même temps) ça n'existe pas en islam

R C'est ce que j'inculque et ce que je dis à mes enfants. C'est la liberté. Nous sommes en France.

Z Madame...

R Liberté, égalité, fraternité, monsieur Zemmour. Respectez uniquement la liberté. Respectez la femme que je suis, non pas le foulard que je porte. Juste la femme que je suis.

Z Alors enlevez-le si ce foulard n'a pas d'importance !

R Enlevez votre cravate à ce moment-là !

Z Mais je l'enlève quand vous voulez.

R Mais moi aussi.

Z Mais la cravate n'est pas un (inaudible)

JMM Allons-y ! Allons-y !

Z Mais la cravate, madame... mais la cravate...

R Enlevez votre cravate, j'enlève mon tissu !

Z Alors très bien.

(il passe le micro à JMM et commence à dénouer sa cravate. Ce faisant :)

Z Et je signale que la cravate n'est pas un élément religieux. Et que donc elle ne signale rien de la religion.

R Le foulard non plus...

Z, sans cravate et le col relevé : Allez-y madame !

R Le foulard c'est la foi, c'est ce que l'on porte en nous.

Z Non, non. C'est l'injonction religieuse. Ce n'est pas la foi, madame. En islam... j'attends toujours que vous enleviez votre foulard. Allez-y, je vous en prie.

R Oui, je vais l'enlever. Et vous allez me respecter pour autant ?

Z Mais bien sûr.

R Ah, d'accord. (elle commence à défaire son foulard) Alors, tissu ou pas tissu, c'est le respect qu'on cherche.

Z C'est une évidence.

R On est d'accord.

Z On est d'accord.

R La liberté.

Z Non.

R (en détachant les syllabes) Je choisis de le porter, je choisis de le retirer.

Z (en même temps) Madame... C'est faux, madame.

R On va rien (inaudible) imposer...

JMM Laissons-la retirer, laissons-la retirer.

Z Je vous en prie.

R Personne ne m'imposera quoi...

Z Je vous en prie.

R Je décide, faut bien l'entendre, hein, je décide de l'enlever.

JMM Et vous décidez de l'enlever, voilà.

Z Très bien.

R Voilà

Z Très bien. Non, vous ne l'enlevez pas, là, voilà, très bien.

(R est maintenant tête nue. On entend des hommes crier quelque chose dans la rue)

R, regardant Z : Alors ?

Z Très bien, alors vous voyez, là, là, vous respectez la laïcité.

R Non, non, non, je me respecte moi-même.

Z Non, madame. Non, madame.

(ils parlent en même temps)

R Sachez une chose : le foulard ne fait pas la religion. Non, le foulard ne fait pas la religion.

Z Je suis d'accord avec vous.

R Comme votre cravate, ça ne vous donne pas plus d'intelligence ?

Z Ah, absolument d'accord. On est d'accord. Mais ça n'a rien à voir.

JMM Est-ce qu'aujourd'hui, sans foulard, là, maintenant que vous avez enlevé le foulard à la demande d'Eric Zemmour...

Z Ah non, pas à la demande, pas à la demande.

R Pas à la demande. J'ai décidé de le retirer.

JMM Bon, enfin, c'est un échange. Vous avez décidé de le retirer, je suis d'accord. Est-ce que vous vous sentez différente, sans foulard ?

R Non ! Non !

Z Alors pourquoi vous le mettez ?

R Parce que j'ai décidé de le porter !

Z C'est faux, madame.

R Parce que c'est ma foi, monsieur.

JMM Eric Zemmour, le fait qu'elle l'ait enlevé, qu'elle a enlevé son foulard, ça prouve que c'est une femme libre.

Z Mais...

R Mais oui !

Z Chère madame. Je vous rép... Oui bien sûr c'est très bien, je vous remercie. Ce que je veux dire - vous voyez, vous le remettez !

R Vous pouvez remettre votre cravate aussi.

Z Mais je vous en prie. Moi je vous répète que ce n'est pas un signe religieux.

R Ce n'est pas un signe religieux...

Z Non.

R Même le foulard.

Z Si.

R Non.

Z Ben pourquoi vous le remettez alors ?

R Vous voyez !

Z Puisque vous dites que c'est la foi. Madame...

R Vous avez juste vu les cheveux en plus, sinon c'est la même femme qui est en face de vous, monsieur Zemmour, vous avez la même personne.

Z Vous vous contredisez.

R Vous avez la même personne en face de vous.

Z Vous vous contredisez.

R Vous avez vu, je n'ai pas changé.

JMM Attendez, attendez.

Z Si vous ne me laissez pas parler, on ne peut pas discuter. Vous vous contredisez. Vous dites que c'est un acte de liberté, et après vous dites que ce n'est pas un signe religieux. Faudrait savoir. Pourquoi vous le mettez si ce n'est pas un signe religieux ? C'est évidemment un signe religieux.

R Non.

Z Et c'est évidemment écrit dans le Coran. Et vous respectez le Coran. Vous n'êtes pas libre, car en islam il n'y a pas de liberté individuelle.

R Monsieur Zemmour...

JMM On va essayer d'avancer un petit peu. Attendez, je vous redonne la parole dans un instant. (à Zemmour) La kippa vous gêne de la même façon ?

Z Oui. Moi, vous savez, quand j'étais enfant...

JMM Donc vous êtes pour qu'il n'y ait plus de kippas non plus dans la rue.

Z Absolument. Quand j'étais enfant, moi, je suis de confession juive, tout le monde le sait, quand j'étais enfant j'habitais là et on allait parfois à la synagogue. Et on mettait la calotte - on appelait ça calotte, d'ailleurs, en français - on mettait la calotte dans la synagogue, évidemment. Et dès que je sortais de la synagogue, ma mère me disait : "tu mets ça dans ta poche". Pourquoi ? Parce que elle, elle respectait la laïcité. La religion, c'est dans le privé. Ce n'est pas dans le public, dans l’espace public, et je vais vous dire pourquoi. Est-ce que vous savez pourquoi on ne met pas la religion dans l’espace public ? Parce que sinon, il ne peut pas y avoir de débat démocratique. Je m'explique. Si entre nous on peut discuter, voyez, sauf que à partir d'un certain moment vous allez me dire "c'est ma foi", donc on ne peut plus discuter, parce qu’il y a Dieu qui vient. Donc on sort Dieu du débat démocratique. Et dans l'espa...

JMM Elle n'a pas évoqué Dieu.

Z Si, si ! Elle a dit "c'est ma foi" !

R Oui !

Z La foi, c'est Dieu.

JMM Ça ne vous empêche pas de parler, Eric Zemmour.

Z Bien sûr. Mais ça nous empêche d'avoir un débat à égalité. Elle, elle est portée par la foi de Dieu.

R Je vous considère comme tout homme...

Z Vous ne comprenez pas ce que je dis.

R Juste, comme je vous dis, je suis une femme, vous discutez avec une femme, là, pas avec une musulmane. Vous parlez avec une femme...

Z Non !

R On est d'accord.

Z Non madame.

R Je suis de confession...

Z Vous ne pouvez pas, vous ne pouvez pas...

R Vous êtes juif, ce n'est pas écrit sur votre front  

Z Justement, ce n'est pas écrit sur mon front, vous, c'est écrit sur votre front.

Fin de la transcription.

Ce dialogue a quelque chose que je trouve passionnant, tout simplement parce que c'est un dialogue. Pas d'invectives. Pas d'entourloupe. Pour Rachida, son foulard n'est qu'un bout de tissu, comme elle le répète, et faire toute une histoire pour ce morceau d'étoffe, nous dit-elle, ne servirait qu'une querelle bien vaine. Pourquoi lui chercher noise de vouloir ainsi honorer sa foi ? Du reste, cette pièce de vêtement est, selon elle, tout aussi anodine que la cravate que porte Zemmour.

Pour Zemmour, ce n'est pas un bout de tissu. C'est un signe distinctif : celui de l'allégeance à une religion. Son affichage public contrevient à la laïcité, et ne saurait dès lors prétendre à la neutralité. De plus, cette religion étant pour lui liberticide, à cause des multiples contraintes qu'elle fait peser sur ses fidèles, il ne saurait être question d'accepter le voile au nom de la liberté.

L'échange de bons procédés - l'homme retire sa cravate, la femme son foulard - est un jeu de dupes. Se défaire d'une cravate ne prête à aucune conséquence. Je n'ai pas vu des fanatiques de Monsieur de Fursac ou de Hugo Boss se fendre d'appels à la haine contre le sacrilège commis par Zemmour et exiger qu'on étranglât le drôle avec un nœud Windsor.

Rachida, elle, a reçu des menaces de mort. Celle qui voulait prouver sa liberté en même temps que sa foi subit la vindicte d'excités pour qui le retrait de ce bout de tissu est tout sauf bénin, preuve que la portée symbolique du foulard dépasse celle d'un simple vêtement. Les femmes courageuses, en Iran ou ailleurs, nous disent exactement la même chose. Retirer le voile est une liberté ? Sans aucun doute. Ceux qui en parlent le mieux sont des anciens musulmans, des apostats, qui s'efforcent d'attirer notre attention sur les manœuvres des Frères musulmans, ou autres organisations similaires, occupés à grignoter petit à petit notre société par des petites concessions sur des aspects apparemment anodins qui sont pour eux autant de victoires.

Dans le cas présent, le cours des événements, on le voit, sert davantage la cause de Zemmour que celle de Rachida, obligée de se garder de ses coreligionnaires outrés par le geste d'une femme se croyant libre ; le futur candidat se trompe lourdement, toutefois, quand il néglige cette tendance profonde qui pousse l'homme libre à préférer, plébisciter parfois, la tyrannie. Jean-François Revel avait consacré un essai éblouissant à cette tentation totalitaire - c'est le titre de l'ouvrage - qui scandalisa tant les "bien-pensants" de l'époque. Plus d'une décennie avant le livre de Fukuyama, il apportait déjà un démenti à la perspective d'une fin de l'histoire. Nous aurions tort de l'oublier et de considérer que les femmes choisissant d'arborer un symbole de soumission le font contre leur gré.

PS - je trouve la vidéo de l'émission entière sur la chaîne de Zemmour. La voici.

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