lundi 1 novembre 2021

Zemmour au fil des jours - 1er novembre 2021

 01/11/2021

Zemmour en conférence à Pleurtuit, en Bretagne. Vidéo de plus d'une heure de vingt minutes sur la chaîne officielle. Bigre ! On lance la lecture. Longue introduction élogieuse de l'historien Reynald Secher. Zemmour, debout, main gauche dans la poche, écoute en se dandinant. Il n'est visiblement pas à son aise, on suppose que ses conseillers s'emploieront à donner plus d'aplomb au futur sauveur de la France éternelle. Peut-être lui faudrait-il les services d'un professionnel de la scène, comme Ségolène Royal en avait sollicités ? Au bout de cinq minutes, le journaliste s'installe au pupitre, un meuble transparent (plexiglas ?) surmonté d'un gros micro et supportant, sur son étagère, une petite bouteille de Cristaline.

Zemmour à Pleurtuit
Zemmour à Pleurtuit

Zemmour disserte sur la culture française, se demande s'il ne faudrait pas remplacer le ministère de la Culture par un secrétaire d'État au Patrimoine (pourquoi pas : on se souvient du portrait désopilant et ubuesque qu’Houellebecq faisait des subventions culturelles dans je ne sais plus quel roman - Plateforme ? - et ce n'était hélas pas une caricature), regrette la disparition du sens du beau, rappelle l'aura mondiale de la culture française.

Évidemment, pour balancer ces considérations très recevables, Zemmour tombe une fois de plus dans ses manies exaspérantes. Paris capitale mondiale de l'art en 1900 délogée de son rang à cause la puissance du dollar, maudits Américains, si habiles à faire couler à flots le billet vert pour torpiller ceux qui leur font ombrage, du reste l'indigence culturelle là-bas est bien connue, Charlie Chaplin a tout piqué à Max Linder, comme il se doit, Ernest Hemingway ne serait rien sans Jules Verne, et Elliott Carter n'est qu'un pâle clone d'Erik Satie, cela va sans dire. Il est aussi injuste quand il place la tradition littéraire de notre pays au-dessus de toutes les autres. On pense à un célèbre passage du Silence de la mer, dans lequel Vercors imagine le discours d'un officier allemand :

Il était devant les rayons de la bibliothèque. Ses doigts suivaient les reliures d’une caresse légère.

- « … Balzac, Barrès, Baudelaire, Beaumarchais, Boileau, Buffon… Chateaubriand, Corneille, Descartes, Fénelon, Flaubert… La Fontaine, France, Gautier, Hugo… Quel appel ! » dit-il avec un rire léger et hochant la tête. «  Et je n’en suis qu’à la lettre H !… Ni Molière, ni Rabelais, ni Racine, ni Pascal, ni Stendhal, ni Voltaire, ni Montaigne, ni tous les autres !… » Il continuait de glisser lentement le long des livres, et de temps en temps il laissait échapper un imperceptible « Ha ! », quand, je suppose, il lisait un nom auquel il ne songeait pas. « Les Anglais, reprit-il, on pense aussitôt : Shakespeare. Les Italiens : Dante. L’Espagne : Cervantès. Et nous, tout de suite : Goethe. Après, il faut chercher. Mais si on dit : et la France ? Alors, qui surgit à l’instant ? Molière ? Racine ? Hugo ? Voltaire ? Rabelais ? ou quel autre ? Ils se pressent, ils sont comme une foule à l’entrée d’un théâtre, on ne sait pas qui faire entrer d’abord. » 

Je veux bien, et en me réjouissant de cet hommage si juste à nos gloires littéraires, je me dis aussi que nous aurions grand tort d'oublier les écrivains britanniques qui ont tant enrichi la culture universelle au fil des siècles. La seule existence de Swift, Defoe, Dickens, Kipling, Stevenson, Wells et tant d'autres, dément l'idée reçue d'un art dont seul Shakespeare serait l'immense représentant.

Cela étant dit je veux prendre Zemmour au mot : la culture française est éminemment respectable ? Sans aucun doute ; aussi j'attends de savoir lequel de nos grands compositeurs sera choisi pour accompagner ses futures sorties. J'ai déjà avancé l'idée, début septembre, et j'insiste. Ce choix dira assez bien en quelle mesure son engagement est sincère et fondé sur un amour authentique de notre patrimoine. Rameau, Berlioz, Bizet, Ravel, Roussel, le choix ne manque pas, M. Zemmour, et il n'appartient qu'à vous de mettre en cohérence vos propos et vos actions.

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