mercredi 29 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 29 septembre 2021

29/09/2021

Un sondage donne Zemmour à 13%. Affolement dans tous les rangs. J'avoue n'avoir aucune confiance dans ce genre d'estimations dont l'intérêt est de verser dans le sensationnel pour des raisons évidentes et mercantilistes. De Villiers, le copain de Zemmour, avait lui-même expliqué comment manipuler les sondages dans un de ses livres, les partisans du candidat-sans-l'être devraient pourtant le savoir.

Zemmour aime bien parler de cinéma. Mais pas de n'importe quel cinéma, il évoque volontiers des films grand public, ceux qui faisaient le succès de ses années d'enfance ou d'adolescence à la télé. Un cinéma souvent séduisant, parfois bon avec de longs tunnels de facilités qui le rend aujourd'hui difficile à regarder (je sais combien on peut être attaché à des œuvres qui dépeignent une autre époque et ont accompagné nos jeunes années, sans que cela pour autant soit un gage de qualité. Quand il m'arrive de voir, ou de revoir, l'un de ces phénomènes qui comblaient les salles dans les années 60 et 70, je ne peux m'empêcher de tiquer devant les procédés faciles, les zooms intempestifs, la musique racoleuse). L'une des seules fois où il s'aventure à évoquer le "grand cinéma" c'est pour commettre une regrettable erreur :

"Il vous faut désormais débrancher un à un, à la manière de la mise à mort de l’ordinateur HAL, dans le vieux film de Kubrick 2001, l’Odyssée de l’espace, tous les fils qui donnent vie au monstre."

N'en déplaise à Zemmour, ce "vieux" film est plus moderne que l'immense majorité des blockbusters, études intimistes et autres mièvreries plus ou moins subventionnées ou lobbyistes qui ont envahi le 7e Art. Et HAL n'est certainement pas mis à mort, mais rendu amnésique par l'astronaute survivant, Bowman, qui retire un à un les blocs mémoire de l'ordinateur à l'aide d'un tournevis. Le cerveau électronique devient inoffensif par la perte progressive et inexorable de sa mémoire. Si Z avait revu le film avant d'écrire son livre, il aurait certainement pu glaner ici une de ces allégories qu'il aime tant.

Occasion manquée pour l'homme qui se pose en exégète de Gérard Oury : "Oury continue de revisiter notre histoire l’année suivante avec La Grande Vadrouille. L’Occupation, la Résistance, la Libération. Les Français sont des antihéros héroïques, les soldats allemands sont des occupants inquiétants mais corrects ; tout le monde est tourné en dérision, mais personne – ni Français ni Allemand – n’est ridicule."

Ouille ! Il n'est aucunement question de la Libération dans la Grande Vadrouille, et il est évident, me semble-t-il, que tout le monde est ridicule dans ce film, sauf les Anglais, héroïques, courageux, volontaires ; en un mot, ce sont eux qui nous ont soutenus presque malgré nous pendant la guerre. La chose devrait faire hurler Zemmour qui aime rappeler les liens privilégiés des Britanniques avec les Allemands dans les années 30. Grâce à ce film, bien des petits Français ont grandi dans l'idée que nous étions des types un peu à la ramasse sortis de l'abîme par nos amis d'Outre-Manche. Ce n'est pas tout car, lit-on plus bas, Oury est une sorte de de Gaulle de la chose filmée :

"Question de l’Ancien Régime, question sociale, question allemande, question juive : Oury traite, en n’ayant l’air de rien, et sans doute sans l’avoir conceptualisé, les quatre « questions » qui ont coupé la France en deux camps irréductibles depuis la Révolution ; près de deux siècles de guerre civile française expédiés en quelques images, en quelques rires, en quelques tirades. Oury est au cinéma ce que de Gaulle fut à la politique : le grand réconciliateur."

Vouaï. C'est gonflé de comparer un réalisateur plus ou moins habile, mais certainement pas un ténor du genre, avec l'homme qui incarna la résistance. Gonflé et, à mon sens, excessif, car les pochades un poil grossabottesques de M. Oury ne sauraient prétendre "traiter" en quoi que ce soit des questions aussi sérieuses et complexes. Y voir autre chose que de l'humour (ou des tentatives de faire de l'humour) teinté de bons sentiments (surtout dans Les aventures de Rabbi Jacob) serait pour le moins un drôle de micmac : Zemmour invente, extrapole et ajoute de nouveaux phénomènes à sa vision holiste de la société. Oui, holiste : c'est là qu'est l'os.

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