vendredi 22 octobre 2021

Zemmour au fil des jours - 22 octobre 2021

22/10/2021

« 67% des Français s'inquiètent d'un "grand remplacement" », titre Challenges.

Pour Renaud Camus, qui a contribué à populariser l'expression, le grand remplacement n'est pas une théorie. C'est un constat. Je le cite :

« Pouvez-vous développer le concept de Grand Remplacement ? - Oh, c'est très simple : vous avez un peuple et presque d'un seul coup, en une génération, vous avez à sa place un ou plusieurs autres peuples. »

La locution sent le soufre. Il s'agirait, en dépit des rectifications de Camus et du contenu de son livre qui porte ce titre, d'une théorie complotiste d'extrême droite de la pire espèce. À partir de cette confusion dans la façon d'appréhender l'expression, toutes les équivoques sont possibles. On peut estimer qu'il existe factuellement une substitution du peuple et le déplorer. Ou bien, on peut s'inquiéter de cette éventualité qui décrit un possible lendemain, sans pour autant être fidèle à la réalité actuelle. Ou encore, il est possible de s'affliger que cette expression, avec ses sous-entendus complotistes et fascisants, a le malheur d'avoir été forgée ; et qu'elle se soit si bien répandue par la faute de Zemmour ou d'autres, car elle révèlerait alors les sombres pensées qui travaillent notre société et encouragerait d'inévitables massacres racistes. Autre possibilité, reconnaître le « bouleversement démographique » tout en se refusant à employer une expression marquée par l'infamie. Ce n'est pas tout, car certains, se voyant dans la peau des « remplaceurs », se félicitent ouvertement de ce phénomène. Il est peut-être inutile de parler de ceux qui trouvent dans ce fait une merveilleuse opportunité pour notre civilisation - la créolisation - et, naturellement, des avocats d'une illusion tenace fondée sur des aprioris nauséabonds, vouée à s'évaporer comme un spectre lugubre face à la lumière apportée par la moindre étude un peu sérieuse.

J'en ai certainement oublié. Zemmour, pour le sujet, reste parfaitement dans la veine camusienne : insister sur le constat et accuser les experts qui prétendent dire autre chose d'aveuglement ou de compromission (le « lyssenkisme »). Pour une fois, les références cinématographiques de Z tiennent la route, quand il évoque les films de Claude Sautet des années 70. Il est vrai que le Paris de Sautet paraît sorti d'un univers parallèle. Et on voit mal comment un réalisateur de notre temps qui voudrait faire une nouvelle version de Max et les ferrailleurs (plût au ciel qu'aucun remake de ce genre ne soit médité) puisse donner aux membres du gang de minables leurs noms d'époque, Abel Maresco, P'tit Lu, Robert Saidani, Jean-Jean ; l'indic « dromadaire » s'appelle en réalité Cyriaque. On n'ose imaginer ce que ces pauvres types sortis d'une histoire des Pieds Nickelés deviendraient dans un cauchemar à la Bac Nord.

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