mercredi 1 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 1er septembre 2021

01/09/2021

Une petite victoire qui agace beaucoup de monde. Le débat politique tourne autour de Zemmour et de sa possible candidature, Mélenchon en parle pour s'en gausser, se prenant les pieds dans le tapis au passage en mélangeant langues arabe et berbère, ce qui étonne d'un homme instruit et porté sur la glorification de l'autre. Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, fustige le promoteur d'une "France rabougrie" (ce qui change de "nauséabond"), la droite classique, entre affolement et adhésion, s'interroge sur sa candidature, le rassemblement national s'échauffe à son tour, allant jusqu'à évoquer le grand remplacement, sujet jusque-là tabou dans ces parages. Une séquence de l'émission de Yann Barthès l'a pris pour cible, sans grand talent ni traits d'humour qui ne se résument à un lourd ricanement, dans une séquence intitulée "la réac du réac". Je ne doute pas qu'on trouve de pareilles offensives à France Inter ou autres médias de la même obédience, dont le recensement serait fastidieux. Peut-être que le dénigrement portera et finira par rendre légitime l'exclusion définitive des soutiens de Z dans les réseaux sociaux. Pour l'heure, beau succès : tout mène à Z, à la fureur de ceux qui, voulant le dénigrer, contribuent à installer son nom dans le débat public.

mardi 31 août 2021

Zemmour au fil des jours - 31 août 2021

31/08/2021

Z pertinent sur le Grand Remplacement. Le discours de Renaud Camus est fidèlement formulé, chose rare dans la presse. Pertinent mais casse-cou : il va se faire taper dessus en liant, à la lumière des travaux de France Stratégie publiés par Causeur, les naissances extra-européennes et l'explosion de la délinquance. Ça sent le procès, encore un, et en tout cas des hauts cris des habitués du fait. Z termine en parlant de Marseille, "ville du tiers-monde". On a beau connaître l'homme, savoir d'avance ce qu'il va dire, il finit toujours par surprendre, inventer quelque nouvelle tournure acérée et éloquente qui ajoute une nouvelle couche à son discours. C'est une qualité, quoi qu'on pense du fond, un vrai talent de rhétoricien, tel le don d'un peintre capable de renouveler admirablement un paysage, toujours le même, brossé de longue date, en y ajoutant de nouvelles idées, d'autres lumières, et en creusant des ombres pour mieux accuser tel recoin qu'on pensait mille fois visité. L'émission se termine sur l'anniversaire de Z - bon enfant - mais il est terriblement gênant de voir ces chroniqueurs s'amuser comme des collégiens après une heure passée à dresser le terrifiant portrait d'un monde qui s'effondre. Et je n'ose imaginer l'emploi que certaines bonnes âmes feront de l'image d'un Z revêtu d'un chapeau de mousquetaire surplombé d'une longue plume. Décidément, difficile de le voir en président crédible, à croire que cette opération malplaisante dans sa diffusion publique n'a été organisée que pour nuire à sa campagne.

lundi 30 août 2021

Zemmour au fil des jours - 30 août 2021

30/08/2021

Face à l'Info : c'est la grande rentrée. Zemmour ne dit rien sur sa candidature. Réflexions essentielles (au sens propre) sur le tombeau des empires, l'Afghanistan, au mépris de l'histoire (les USA ne sont pas un empire, en tout cas pas selon la façon anglaise, russe ou soviétique ; leur intervention avait pour but de mettre fin à Ben Laden et à empêcher ceux qui l'ont accueilli de recommencer. Le premier terme est atteint, le second a priori non, restons prudents malgré l'ampleur de la débâcle. Rien à voir avec l'URSS qui voulait s'ouvrir une route vers le golfe Persique et la route du pétrole). Z est brillant, même quand il a tort - et il a souvent tort - mais ses réparties font mouche face à des adversaires qui n'ont pas son à-propos. En revanche son attitude, avec ses mimiques, grimaces et œillades complices, ne cadre pas du tout, du tout, avec celle d'un homme à la tête du pays. On peine à s'imaginer Z diriger la France avec de telles postures. Et ce n'est pas la même chose d'être sur un territoire dont on maîtrise tous les codes - un plateau de télévision - et où il déploie tout son savoir-faire que d'entrer dans le combat politique avec des adversaires autrement plus vifs et puissants.

Il est pertinent sur le danger islamique. Pour le reste, ses raisonnements sont entachés d'idéologie (l'âme des peuples, le "destin" français, etc.) et ne peuvent mener qu'à la catastrophe. Le choix est donc entre deux dangers : celui de l'islam ou celui de l'idéologie zemmourienne. Aujourd'hui, le premier paraît plus important, car déjà là, en train de travailler la société en profondeur. Hélas, Z est le seul à en parler ouvertement, et avec à-propos.

dimanche 26 février 2017

Notes sur "Comprendre l'islam - ou plutôt : pourquoi on n'y comprend rien", d'Adrien Candiard

Je dois à un ami très cher, érudit et grand lecteur, la découverte du livre signé Adrien Candiard, édité dans la collection "Champs actuel" de Flammarion en 2016. Une découverte fort bienvenue. En une centaine de pages, sans temps morts ni verbiage, A. Candiard illumine et renouvelle par moments notre perception de l'islam. L'on apprécie une rédaction dénuée de passion, entièrement vouée à l'érudition sans pour autant verser dans la sécheresse, ce qui fait de ce livre un objet de valeur.

Adrien Candiard : Comprendre l'islam - ou plutôt : pourquoi on n'y comprend rien

Adrien Candiard : Comprendre l'islam - ou plutôt : pourquoi on n'y comprend rien
Flammarion 2016


Mais son contenu n'est pas pour autant dépourvu de surprenants silences ou d'inférences discutables. Je propose ci-dessous une synthèse suivie de quelques commentaires.

En résumé


L'ouvrage comporte une introduction, un développement en trois parties et une conclusion.

L'introduction plaide pour une compréhension objective et documentée de l'islam, sous peine, nous dit l'auteur, « de ressembler à Daech ».

La première partie « Deux impasses pour un paradoxe » nous invite à éviter deux erreurs courantes : « La première, c'est de croire que l'islam existe ; la seconde, de croire qu'il n'existe pas. » Cette formulation percutante sert une analyse qui sous-tend l'ensemble du livre : l'islam existe bel et bien sans pour autant représenter un bloc que l'on pourrait essentialiser. Il vaudrait mieux parler « des islams », au pluriel, tant la diversité des pratiques et des cultes est différente dans le temps et dans l'espace. La violence des islamistes est une réalité, mais ne définit à elle seule ce courant de pensée si divers. Sans cette conscience d'une véritable pluralité, tout discours concernant « l'islam » ne saurait qu'être expéditif et dénué de valeur intellectuelle. De plus, l'on ignorerait les deux grandes déchirures de cette religion, écrit A. Candiard, celle entre les sunnites et les chiites d'une part, et d'autre part les combats au sein du sunnisme pour définir l'orthodoxie.

La deuxième section, intitulée « Comprendre les crises de l'islam contemporain », explicite et développe les origines de ces deux déchirures. Le grand schisme est survenu autour de la succession de Mahomet, mais c'est au XXe siècle, lit-on p. 51, que le chiisme « devient un concurrent du sunnisme jusque sur son terrain privilégié, le monde arabe ». L'écho de la révolution iranienne de 1979 est considérable. La nouvelle République islamique s'oppose aux états sunnites s'efforçant de se constituer en modèles, comme la Turquie ou l'Arabie saoudite.

Mais le sunnisme lui-même est miné par une profonde querelle interne. L'islam impérial, qui organisait plusieurs puissances sunnites depuis le Moyen-Âge, s’accommode difficilement de la modernité. Ce modèle était parvenu à faire vivre « bon an mal an » des populations diverses en son sein, notamment en parvenant à une certaine sagesse rendue possible par diverses interprétations, toutes légitimes, du Coran et de la tradition du Prophète.

L'effacement de ce pouvoir face à la montée en puissance de l'Occident encourage la naissance du salafisme, un courant de pensée qui prône un retour aux sources de la tradition, en réaction au dévoiement de l'islam impérial. « La majorité des salafistes sont quiétistes », écrit A. Candiard page 69, mais attention : « toutes les dérives terroristes naissent de l'idéologie salafiste » (p. 81)

Il est donc de la première importance, insiste l'auteur, de bien distinguer ce que l'on appelle islamisme ou islam politique, héritier de l'islam impérial, organisé autour d'un état, et le salafisme, inspiré par une époque mythique et dès lors disposé à « dynamiter les structures politiques modernes » (p. 80.) Les Frères musulmans, le régime iranien ou le FIS algérien relèvent de la première catégorie. Sous la bannière du salafisme, en revanche, l'on trouve Al-Qaida, l'Etat Islamique, le GIA et plus généralement les terroristes djihadistes.

La 3e partie, « De quelques questions légitimes (et quelques idées reçues) », discute trois interrogations fréquentes. « L'islam est-il incompatible avec la démocratie ? », « Peut-on interpréter le Coran ? » et « L'islam est-il irrationnel ? » . Je reviendrai plus bas sur certaines questions et les réponses apportées.

La courte conclusion rappelle la nécessité de penser l'islam comme un monde pluriel, et s'interroge sur l'expression « islam modéré ». Le problème c'est que cette injonction sous-entend que « les salafistes sont davantage musulmans que les autres » (p. 119) : est vraiment le message à faire passer quand on exhorte les musulmans à se "modérer" ?

Quelques notes


Le livre, on l'a dit, est très bien écrit et je ne peux qu'en recommander la lecture. Je voudrais néanmoins souligner quelques passages qui posent question. Je ne m'attacherai pas ici à des points de doctrine, que ma faible connaissance du domaine ne me permet nullement de discuter, mais à certaines inférences qui tendent le discours.

La violence

Le Coran est "un texte à peu près incompréhensible" (p. 25) et seule une interprétation permet d'en saisir le sens. Et encore, ces interprétations sont multiples, rappelle A. Candiard. A partir de ce constat, on aurait aimé savoir quelles sont les différentes interprétations possibles du verset du sabre, ou d'autres sourates de la même veine, qui appellent à la lutte. On entend bien que le livre sacré est lui-même d'une lecture ardue, il n'en reste pas moins que certains de ses passages sont d'une grande clarté. L'auteur en recopie deux, page 14, un "guerrier" et un "pacifiste". Aussi saisit-on avec peine la précaution de langage annonçant, p. 28, que le texte coranique n'est pas violent tout en offrant "une certaine disponibilité à un usage violent". Est-ce "offrir une certaine disponibilité" que d'appeler sans nuance au combat et à l'humiliation ?

La réponse se trouve sans doute dans l’interprétation contextuelle abordée par A. Candiard, sans être outre mesure explicitée. On aurait pourtant aimé savoir si la notion des "deux Corans" (celui de la Mecque et celui de Médine) professée par certains commentateurs repose sur des bases solides.

La démocratie

On lit avec grand intérêt les pages expliquant que les islams, si divers, donnent toutes les possibilités à une pratique apaisée et respectueuse de s'épanouir. Sans entrer dans le détail de l'argumentaire – ce que je serais bien incapable de faire – j'observe que cet apaisement relève plus du désir inaccompli qu'autre chose. Même dans les pays musulmans les plus « apaisés » ou, disons, les plus « démocratiques », on est désolé de lire dans la presse les condamnations pour blasphèmes ou pour pratiques homosexuelles. Comment ne pas s'étonner qu'un islam si multiforme, et ouvert à maintes possibilités d'épanouissement, ne se soit jamais développé, à travers tant de contrées et au fil de l'époque contemporaine, dans le sens d'une société respectueuse des choix intimes des individus ?

Quand les faits démentent une analyse, il n'y a guère que trois solutions : admettre que l'analyse est fausse, apporter des faits nouveaux qui la soutiennent, ou s'inscrire dans un futur hypothétique. C'est cette troisième voie que choisit l'auteur, tout en restant prudent sur le sujet. L'histoire moderne, écrit-il, « nourrit le soupçon » (p. 85-86) sur l'adéquation entre islam et démocratie. Mais, ajoute-t-il aussitôt, cette même question ne s'appliquait-elle pas à Allemagne en 1945 ?

La valeur opératoire d'une telle comparaison est discutable. L'Allemagne avait été avant le nazisme une démocratie, et si une question devait être posée après la guerre, c'était celle de savoir si elle pouvait le redevenir, et non le devenir, ce qui n'a pas du tout le même sens ni la même portée historique. La question se pose bien davantage au sujet de la Russie, et l'actualité nous porte à penser qu'un horizon démocratique dans ce pays n'est encore, au mieux, qu'une lointaine perspective.

Au crédit de sa thèse, A. Candiard souligne (p. 96) que les législations civiles ont été adoptées dans un grand nombre de pays musulmans au XXe siècle, par un vote parlementaire ou d'autres procédures non religieuses, ce qui semble contredire une incompatibilité de l'islam avec la démocratie.

Ce manque de recul surprend. Les plus sévères dictatures n'ont-elles pas eu de parlements, et même des parlements élus ? Contrairement à ce que peut faire croire sa stricte l'étymologie ("souveraineté du peuple"), l'existence d'élections ne suffit en aucune manière à définir à elle seule une démocratie. Il faut déjà que ces élections ne soient pas biaisées : on a connu, hélas, trop d'exemples de scrutins à bulletin unique ou avec des listes fantoches. Et elles doivent être encadrées par un système de valeurs qui place les droits naturels (comme la liberté de conscience) au-dessus des choix du peuple.

Existe-t-il des faits nouveaux qui iraient dans le sens d'Adrien Candiard ? Je suis prêt à admettre que certains pays musulmans sont respectueux de l'individu athée, de l'homosexuel ou du lecteur de Salman Rushdie, mais, jusqu'à plus ample informé, je n'en connais pas.

L'hypothèse est-elle alors fausse ? Je n'ai pas la réponse. J'observe simplement qu'un regard empirique n'incite pas à l’optimisme.

Une 3e déchirure ?

Les pages consacrées à la double crise interne (p. 44 et chapitre 2 : opposition entre sunnites et chiites, lutte pour l’orthodoxie au sein du sunnisme) sont passionnantes. On peut se demander s'il n'existe pas une troisième déchirure. Le hiatus entre le confort contemporain, procuré par les bienfaits médicaux et technologiques, et l'ambition d'une civilisation millénaire, n'est peut-être pas sans conséquence sur l'homme de la rue, au Caire ou ailleurs, bien obligé de se rendre à l'évidence d'une certaine stérilité de sa société dans ce domaine.

Cette "déchirure" est-elle une fatalité ? On veut penser le contraire. Certains états musulmans comme la Turquie, cette "Chine de l'Europe", ont développé un appareil industriel de valeur soutenu par une économie capitaliste (mais guère "libérale" comme il est mentionné à tort p. 78.) A quand un passage au stade de l'innovation technologique ? La réponse est sans doute étroitement liée à celle de la démocratisation, dont nous avons parlé plus haut.

Il reste intéressant de noter que des mouvements salafistes, en dépit de leur promotion des lointains temps du Prophète, s’accommodent fort bien de la technologie. L'Etat islamique s'appuie sur une importante expertise de l'internet et des smartphones. Et l'on mesure la distance qui les sépare de communautés anabaptistes, comme celle des Amishes, qui se réclament elles aussi d'une pureté originelle, en l'occurrence celle des premiers chrétiens. Il est curieux que ce même objectif produise deux résultats opposés. Les Amishes refusent la technologie et cultivent la non-violence. C'est peut-être aussi le cas des salafistes quiétistes, mais certainement pas celui des mouvements guerriers, experts à la fois en technologie et en atrocités.

Le futur

Une chose surprend dans Comprendre l'islam. Son rédacteur place toujours la croyance en Dieu comme préalable à toute réflexion sur l'avenir des musulmans. Page 98 : « demander aux musulmans de renoncer à la révélation  » ? Cela est « impossible » : « c'est exiger d'eux de renoncer à l'islam. »

Je vois ici un point de désaccord. Un pays chrétien n'est pas un pays composé d'une majorité de fidèles chrétiens. C'est un pays où la plupart des gens admettent leur attachement à la civilisation chrétienne et se reconnaissent dans les valeurs de cet héritage. La différence entre les deux, c'est la notion de croyance. Chacun d'entre nous connaît des chrétiens pas du tout croyants. Le mot "chrétien" définit dès lors deux populations. Celle des fidèles est naturellement incluse dans celle, plus large, des porteurs d'un héritage. Ces derniers ne s'attachent pas particulièrement au fait que Jésus ait, ou non, marché sur l'eau. Les récits bibliques sont un corpus de textes qu'il ne tiennent pas forcément pour sacrés, disons qu'ils y pensent comme l'on peut évoquer les légendes de la Grèce antique, avec intérêt ou non, mais enfin, sans se préoccuper outre mesure de leur contenu.

Or, j'ai connu beaucoup de musulmans qui se moquaient comme une guigne de savoir s'il y avait eu révélation ou non, restaient étranger à toute pratique rituelle et ne se préoccupaient guère de connaître l'origine des mets qu'on leur servait. Ce ne sont pas des vrais musulmans ? Eh bien, tout dépend de quoi l'on parle. Il n'en sont pas au sens de fidèles. Mais ils en sont bien comme porteurs d'un héritage. Car, si l'on prend soin à distinguer les multiples facettes d'un islam si divers, il devrait en être de même avec les individus de cette civilisation. Beaucoup sont croyants, sans doute, mais certains ne le sont pas, ou bien dirons-nous, ils croient « avec distance », comme le font bien des Occidentaux envers la chrétienté. 

Cette distinction est essentielle : sans elle, on méconnaîtrait cette réalité ténue mais cependant tangible de musulmans nullement gouvernés par leur foi tout en étant attachés à leur tradition. Et c'est bien dans cette fragile différence que j'entrevois, pour ma part, le mince espoir d'un islam moderne et apaisé. 



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Ces quelques commentaires ne sauraient amoindrir en quoi que ce soit l'immense intérêt procuré par Comprendre l'islam. J'ai voulu, à travers ces "notes de lecture", approfondir certaines idées abordées par ce livre, et chacun peut comprendre qu'un thème si vaste ne peut être épuisé par un essai conçu pour être concis et voué à l'efficacité du discours. Peut-être un prochain ouvrage d'Adrien Candiard nous permettra d'explorer certains des thèmes effleurés ici : nous l'attendons avec impatience.

Alain Chotil-Fani, février 2017

jeudi 2 février 2017

Fillon et la soupe au Canard

Eh ! Monsieur du Canard, où étiez-vous quand le crime fut commis ?



Tout le monde déplore avec juste raison les agissements d’un élu qui a été pris la main dans la marmite, mais personne ne remet en cause la marmite elle-même. Car enfin, que de telles pratiques aient pu perdurer pendant plus d’une décennie sans que cela ne fasse scandale, cela pose un sacré problème. Que dirait-on d’une police qui s’enorgueillirait de boucler un truand dix ans après un hold-up réalisé au vu de tous ? Et nos autorités judiciaires n’ont-elles pas prévu un petit budget pour faire un minimum de contrôle sur les finances distribuées à nos élus, parmi les monstrueux 57% du PIB consacrés aux dépenses publiques ?

Ben non. C’est que, voyez-vous, le système est un authentique pousse-au-crime. Les turpitudes qu’il permet (on n’ose écrire : « qu’il encourage ») en font un terreau de népotisme, de passe-droits de tout poil, de financements douteux sur le dos du contribuable.

On aura la peau de Fillon, se réjouissent certains. Bien. Mais personne ne parle d'avoir la peau du mammouth gavé de subventions qui rend justement possible des dérives à la Fillon. Le mot dérive est sans doute mal choisi : dans la logique interne des choses, il s’agit d’une marche normale des événements. Car l’échafaudage qui soutient la charpente démocratique a un vice de forme. Il a été fait en temps de guerre, pour un chef de guerre. La Ve République encourage le monarchisme, les dérives courtisanes, récompense les flatteurs et habiles intrigants en faisant taire les contre-pouvoirs. La constitution gaullienne a fait de notre système politique une institution obèse, pataude, à la fois toute-puissante et inefficace, qui engloutit jusqu’à la nausée l’argent des contribuables. Le résultat, on le voit aujourd’hui. Mais châtier le coupable ne rendra pas la pétaudière plus vertueuse.

La presse est-elle un contre-pouvoir ? Quand elle se déchaîne des lustres après les faits reprochés, on en doute. Imagine-t-on Woodward et Bernstein publier la bombe du Watergate au beau milieu des années 80 ? Ah, mais c’est vrai, c’étaient des journalistes, eux. Et leur journal ne bénéficiait pas des prébendes généreuses d’un état bienveillant. Doit-on s’étonner qu’une presse subventionnée puisse s’interroger à deux fois avant de donner un coup de pied à la marmite où mijote la soupe si savoureuse ? Le Canard, si fier de ne pas infliger de publicité à ses lecteurs, ne crache pas, semble-t-il, sur une manne de plus d’un demi-million d’euros en guise de compensation du tarif postal, si l’on en croit ceci. On aura connu des rebelles plus soucieux de leur indépendance. 

samedi 14 mai 2016

Fiasco : une nouvelle par les news

Que penserait de notre époque un historien du futur s'il n'avait à sa disposition qu'une vision des pages de news, telles qu'elles apparaissent dans internet avec leur seul titre et, parfois, le début de l'article, sans le détail de ces informations ?

Des news aux nouvelles, il n'y a qu'un clic dans Google Translate. J'ai donc décidé d'écrire une nouvelle avec des pages de news. De fausses infos, mais des infos crédibles - tel est en tout cas mon but. Le projet est de raconter une histoire par l'enchaînement, jour après jour, des actualités brutes telles qu'elles s'affichent dans un navigateur.

Les infos ne sont pas détaillées. Un clic sur leur titre affiche le jour suivant. Au lecteur de se faire une idée de ce qui est en train de se passer à partir de ce qu'il a sous les yeux.

Mon intention n'est n'est ni parodique, ni ironique, pas davantage pervertie par une idéologie extrémiste. Je me suis efforcé de conserver une stricte objectivité, à partir de l'observation quotidienne des flux d'informations déversés par le web.

Le résultat, Fiasco News, est donc une fiction, une oeuvre de l'imaginaire. Elle n'implique en aucune façon les personnes ou les organisations citées au fil des pages. Les opinions exprimées çà et là sont celles des journalistes - fictifs - qui les ont rédigées pour leurs journaux - tout aussi fictifs ; elles ne reflètent pas forcément mes propres convictions.

Je n'ai utilisé que des images dont les droits sont libres, en tout cas présentées comme telles dans les moteurs de recherche et diverses banques en ligne. Si tel n'était pas le cas, je m'engage à les retirer sur simple demande des ayant-droits.

Alain CF


samedi 9 janvier 2016

L’hypothèse interdite





La France moderne, et plus généralement la civilisation occidentale, se sont formées autour d’une idée maîtresse : la passion de la vérité. De là les principes de société qui récusent tout usage opérationnel d’une pensée magique. Cet attachement à la chose scientifique porte très concrètement ses fruits dans les progrès de la médecine et les grands projets industriels et techniques des XIX et XXe siècles. Le fait superstitieux, ou religieux, est dès lors confiné au domaine privé. Chacun, en effet, est libre de croire ou de penser ce que bon lui chante, tant que cette croyance ou cette pensée ne se traduisent pas par des actes (y compris politiques) en contradiction avec les droits naturels.

Nul ne songerait, en pays libre, à lui contester ce droit. Mais ce droit est au même titre celui de ceux qui critiquent cette pensée magique. La tolérance ne consiste pas à respecter bouche bée toutes les manifestations de l’irrationnel : elle se borne à refuser tout usage de la violence envers nos contradicteurs, et à mettre en oeuvre les principes du débat. Elle n’est pas, comme on l’entend trop souvent, un mutisme confit devant des gris-gris ou des manifestations bigarrées : elle doit être le droit de les juger et même, à l’instar d’un Swift, de les mettre en boîte.

De toutes les études qui déferlent sur la place des musulmans dans l’Europe de demain, je m’étonne de ne voir jamais formulée une hypothèse toute simple, pourtant évidente. La foi est une opinion ; un homme use donc de sa liberté en modifiant cette opinion. En dépit de cela, l'idée qu'un individu puisse délaisser sa foi en l'islam n'est guère envisagée. De même, un enfant né dans une famille musulmane n’est pas voué à devenir lui-même musulman : soit par volonté de sa famille de ne pas «l’embrigader» dans cette filiation civilisationnelle, et de lui laisser en quelque sorte le choix de s’orienter, une fois venu l’âge de raison, vers le mode de pensée qui lui paraît le plus approprié ; soit par son propre désir d’individu ressortissant d’un pays libre de s’émanciper d’une culture qui lui aurait été imposée.

L’hypothèse qu'un musulman demeure un individu par essence adepte de l'islam, ou que des musulmans n’engendrent que des musulmans, n’est pas seulement fausse : elle est dangereuse. Elle fait accroire l’idée que l’islam est une race, concept dangereux et controversé mais qui pourtant est implicite dans les projections d’avenir. L'on ne se défait ni de sa couleur de peau ni de ses origines, mais tout un chacun choisit son école de pensée. Il est étonnant que le sous-entendu de ces fameuses prospectives ne fasse pas scandale, sauf si l'on admet avoir renoncé à l’une des plus belles conquêtes de la modernité : celle qui rend l’individu souverainement libre.

Je ne suis pas dupe de l'aspect polémique de cette hypothèse. Par un renversement de sens aussi curieux que fâcheux, la simple évocation d'un affranchissement individuel est devenue le symptôme d’une insupportable barbarie. Rendre les hommes éclairés au sens voltairien, donc plus libres, est vu comme un inadmissible viol de l'esprit. Cette insoutenable légèreté de la pensée critique face aux injonctions du moment - ne pas amalgamer, ni juger ni stigmatiser, tout respecter, y compris les pires inepties, s'indigner, oui, mais uniquement contre nos propres valeurs - signe un renoncement devant le fait accompli et souligne notre abandon collectif de toute volonté à changer les choses.

Je ne m'illusionne pas au point de penser que cette émancipation puisse se faire aisément. Je ne suis pas assez naïf pour ignorer le poids des traditions et la force du nombre, et, parfois, les effets d'une vigilance tatillonne et quasi institutionnelle de préceptes religieux. Je ne méconnais pas les châtiments promis aux convertis et aux apostats. Mais je sais aussi que l'un des rôles de l'Etat est - ou devrait être - la protection scrupuleuse des individus : notre Déclaration de 1789 édicte la "résistance à l'oppression" comme l'un des droits imprescriptibles. Et j'observe çà et là, parmi mes connaissances, des témoins croisés sur la toile ou même des hommes célèbres (prenez Djibril Cissé), un mouvement timide mais bien réel de personnes ayant choisi de renoncer à l'islam.

Je pose ici un constat dénué de passion. Une presse souvent extrémiste a beau annoncer une "déferlante musulmane", le monde de demain n'est peut-être pas celui qui nous est promis. Je ne parle évidemment pas des islamistes venus porter le fer de la guerre en Europe, mais des autres gens venus en quête de refuge en fuyant la barbarie. Ces hommes peuvent changer : cette évidence me semble trop souvent oubliée. Encore faut-il que la société qui les accueille se donne les moyens de favoriser ce changement et de veiller à ce que les sourcilleux gardiens de la tradition ismaélienne se contentent d'exposer leurs arguments et renoncent de fait à toute action violente : c'est en renouant avec des valeurs aujourd'hui oubliées que les autorités favoriseront l'expression de cette liberté à reconquérir.